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savoirs - Page 2

  • T'as de beaux yeux, tu sais!?

    L’amour ? C’est dans le regard

    Selon une étude, le premier regard est déterminant dans l’évaluation d’une relation amoureuse éventuellement durable ou au contraire d’une relation sexuelle spontanée et fugitive.

    Par Jacques Henry

    “ L’amour est dans le regard ", c’est le titre (" Love Is in the Gaze ") d’un article très sérieux paru dans le dernier numéro du périodique scientifique Psychological Science. Lire dans les yeux des autres est en quelque sorte une compétence précieuse pour explorer une interaction interpersonnelle. Quand on a rendez-vous avec quelqu’un qu’on connaît à peine ou pas du tout, une situation qui m’est arrivée il y a de nombreuses années quand je m’étais inscrit dans une agence matrimoniale pour tenter de retrouver une compagne que je n’ai d’ailleurs jamais trouvée, comment évalue-t-on par un simple regard les intentions de cette personne en termes de relation durable ou de courte durée ? Les belles envolées verbales romantiques pour séduire l’autre sont un classique d’une banalité affligeante quand une femme et un homme se rencontrent pour la première fois car il est tellement facile de dissimuler ses intentions ou de prendre le contrôle de l’autre dans la conversation que le jeu est faussé d’avance. Nous disposons de plusieurs sens nous permettant de communiquer avec l’environnement humain comme dans le cas d’un rendez-vous (galant ou non) et c’est surtout le regard qui importe, le toucher et l’odorat interviendront plus tard.

    Quelques études ont montré une différence entre l’amour et le désir sexuel, et cette distinction est en tout premier lieu effectuée par le regard, parfois un " cliché " n’ayant souvent duré qu’une fraction de seconde, enregistré dans le cerveau qui va effectuer le classement entre ces deux catégories d’approches entre deux individus, classement consistant à différencier l’" amour romantique " du simple et parfois banal " désir sexuel ".

    Il faut préciser que l’étude, réalisée à l’Université de Chicago sous la direction du Docteur Stephanie Cacioppo, comprenait 20 volontaires, 13 femmes et 7 hommes, tous hétérosexuels, d’une moyenne d’age de 22 ans, 18 droitiers et 2 gauchers pour plus de précisions, qui se sont pliés à l’observation de photographies sur un écran d’ordinateur, dans des conditions expérimentales telles qu’un système électronique permettait de calculer et enregistrer la direction précise de leur regard spontanément orienté vers ces photographies. L’étude a abouti à quelques précisions intéressantes.

    Toutes les analyses statistiques du mouvement des yeux ultérieures aux tests ont permis de confirmer quel était le regard porté sur ces illustrations, codifiées selon un protocole bien précis utilisé dans les études psychologiques (voir le lien). Les images présentées aux sujets participant à l’étude représentaient des personnes inconnues de ces derniers et issues d’une banque de données de photos variées. Les regards ont été classés en trois catégories : le premier coup d’œil, durant parfois moins d’une seconde, sa durée donc, et la durée totale de tous les parcours et fixations du regard sur les images. Dans la première partie de l’étude, les stimuli consistaient en 120 images de couples hétérosexuels présentés dans diverses attitudes, à l’exclusion de toute image explicite de nu ou à caractère érotique. On demandait aux participants de déterminer aussi vite que possible, tout en regardant les images, s’ils classaient ces dernières dans la catégorie érotique ou sexuelle ou au contraire dans la catégorie de l’amour romantique. Dans la deuxième partie de l’étude, les stimuli visuels étaient constitués de 80 prises de vues de visages ou de silhouettes d’hommes ou de femmes photographiés individuellement. Les femmes devaient regarder des photos d’hommes et vice versa.

    Au cours de l’étude 1, les sujets passaient plus de temps à regarder le visage plutôt que le reste du corps quand on leur demandait s’ils ressentaient un désir sexuel plutôt qu’un amour romantique en regardant ces photos de couples ; et les zones scrutées étaient très précises, essentiellement le visage et en particulier les bouches comme dans le cas d’un couple échangeant un baiser :

    Si l’image était classée comme entrant dans la catégorie de l’amour romantique, le regard se portait presque exclusivement vers les visages, alors qu’avec la même photographie classée dans la rubrique désir sexuel par un des participants à l’étude, le regard se répartissait entre visage et reste du corps. De plus la durée de fixation du regard sur un point donné des photographies était près de trois fois plus longue pour les clichés classés " amour romantique " que pour ceux classés " désir sexuel ", comme si l’évocation d’un amour romantique requérait l’accumulation d’une plus large information et d’une interprétation plus complexe, donc plus lente, par le cerveau.

    Dans la partie 2 de l’étude, aucune différence ne put être décelée de manière significative entre les " genres " – c’est-à-dire les sexes, pour parler concrètement – et la plupart des sujets, hommes ou femmes, dispersaient leur regard autant sur le visage que sur le reste du corps sans pouvoir décider de manière significative s’ils penchaient pour un amour romantique ou un simple désir sexuel.

    Il ressort de cette étude que, contrairement à ce qu’affirmait la chanteuse de soul Betty Everett – " si vous voulez savoir s’il vous aime, c’est avec ses baisers " –, c’est plutôt le premier regard qui est déterminant dans l’évaluation d’une relation amoureuse éventuellement durable ou au contraire d’une relation sexuelle spontanée et fugitive. La science de l’amour ou du désir naissant au premier regard était inconnue jusqu’à cette étude, qui a le mérite de préciser le mécanisme visuel transmettant au cerveau les informations, qui sont d’ailleurs traitées très rapidement dans des régions distinctes du cortex, que ce soient les perceptions érotiques et sexuelles ou celles relatives à l’amour romantique. Ce résultat a été précisé par ailleurs par les mêmes auteurs de la présente étude par imagerie fonctionnelle.

    La classification visuelle " amour romantique " se concentre donc sur les visages et les lèvres alors que le même processus de classification dans le registre " désir sexuel " se disperse en partie sur le reste du corps. Il faut rappeler qu’il s’agit de réactions visuelles rapides durant souvent moins d’une seconde. On peut constater avec ces résultats, résumés par les deux illustrations tirées de l’article, que le désir sexuel est évoqué très rapidement puisqu’il entre dans une boucle de stimuli hormonaux eux-mêmes très rapides. A contrario, formuler que le cliché d’un couple évoque un amour romantique est plus complexe et plus abstrait car le processus de récompense au niveau du cerveau est alors plus aléatoire à atteindre. Les études relatives aux mécanismes de mise en place de l’amour, le coup de foudre par exemple, sont très limitées. Ce que l’on a pu prouver par le type d’étude relatée dans cet article est que l’échange de regards entre un homme et une femme, même très rapide, est suffisant comme élément déclenchant un coup de foudre et le début d’un amour romantique. Le regard que l’on porte sur l’autre est indubitablement analytique et effectue un classement en deux catégories de personnes dont les frontières ne sont pas clairement définies, car qui dit amour sous-entend sexe et la réciproque ne peut être exclue.

    Notre perception de l’autre semble donc en grande partie inconsciente et nous classons tout aussi inconsciemment dans les catégories amour éventuellement durable ou relation sexuelle fugitive et éphémère (un " quicky " comme disent les Australiens) les personnes que nous rencontrons fortuitement. L’amour est le résultat d’une chimie très sophistiquée que nous ne pouvons pas contrôler et le désir sexuel entre dans une catégorie du comportement sur laquelle nous avons encore moins d’emprise consciente. En définitive, nous sommes soumis à des processus complexes qui nous échappent totalement et qui sont initiés par la vision.

    Source : University of Chicago et DOI: 10.1177/0956797614539706. Article aimablement transmis par le Docteur Stephanie Cacioppo.

     

     

    La communication à l’intérieur du couple est prépondérante pour maintenir une intimité sexuelle

     

    Par Jacques Henry

    De plus en plus de couples déclarent n’avoir pratiquement plus de relations sexuelles ou seulement à de très rares occasions, quand ils ont bien picolé à l’issue d’une soirée entre amis. S’il existe de nombreuses raisons pour expliquer ce comportement, il est évident que la communication à l’intérieur du couple est prépondérante pour maintenir une intimité sexuelle. Et c’est cette communication " sur l’oreiller " qui est justement importante pour maintenir le désir sexuel dans un couple.

     

    Plusieurs études récentes classées dans le domaine gris de la " science postcoïtale " – comme c’est romantique ( ! ) – ont reconsidéré l’importance des conversations sur l’oreiller après un orgasme. On s’est rendu compte par exemple que les femmes qui avaient fait l’expérience d’un orgasme réussi étaient plus enclines à une communication relationnelle positive que les hommes, bien qu’ayant également atteint l’orgasme sexuel, ce qui est beaucoup plus aisé pour eux, et naturellement beaucoup plus que les femmes restées non satisfaites. De plus il est apparu que l’orgasme libère la communication relationnelle positive. Le Docteur Amanda Denes de l’Université du Connecticut, principal auteur d’une étude parue dans Communication Monograph n’emploie pas la langue de bois en déclarant : " la conversation sur l’oreiller après une relation sexuelle réussie joue un rôle primordial dans le maintien de l’intimité du couple ". Les médecins ont caractérisé la période suivant directement un rapport sexuel réussi comme étant un état mental altéré durant lequel les processus cognitifs sont profondément modifiés et favorisent la communication et la reconsidération des mécanismes de prise de décision et durant cette période particulière l’évaluation des risques et des bénéfices de se confier à son (sa) partenaire " sur l’oreiller " à ce moment précis est également altérée.

     

    Et pourquoi se trouve-t-on dans cet état second, tout simplement parce que notre cerveau est littéralement inondé d’oxytocine, l’hormone dite du plaisir mais aussi celle qui favorise la lactation et encore la construction de la relation intime mère-enfant. L’oxytocine a aussi un rôle prépondérant dans le comportement car elle inhibe l’agressivité et la perception du danger et donc aussi le développement de la peur. De plus l’oxytocine réduit la production du cortisol qui est l’un des éléments de déclenchement du stress. La conversation post-orgasmique sur l’oreiller est donc sous le contrôle de l’oxytocine et on n’y peut rien, on plane, on se confie, l’intimité du couple trouve là un moment privilégié pour s’affermir et se construire.

    L’étude conduite par le Docteur Denes a aussi considéré les effets de l’alcool sur les " conversations sur l’oreiller " car bien souvent les relations sexuelles sont également vécues sous l’emprise de l’alcool, des statistiques montrant qu’au moins 40% des relations sexuelles ont lieu après une consommation de boissons alcoolisées malgré le fait que l’alcool a tendance a diminuer les performances sexuelles conduisant à un orgasme réussi, au moins chez l’homme, selon une étude parue en 1993 et réalisée par B.C. Leigh et parue dans le Journal of Abnormal Psychology.

    L’étude récente a porté sur des interrogatoires strictement contrôlés de 253 personnes âgées de 18 à 45 ans, sexuellement actives et pour la plupart hétérosexuelles, à 7 exceptions près, réparties en 78% de femmes et 22% d’hommes. Toutes ces personnes ont déclaré avoir une activité sexuelle incluant pénétration vaginale, cunnilingus ou fellation et stimulations manuelles. Elles devaient rendre compte quotidiennement pendant deux semaines par internet à l’aide d’un questionnaire approprié dans les deux heures suivant leur rapport sexuel si elles avaient fait l’expérience d’un orgasme, si elles avaient consommé de l’alcool et enfin de décrire quelle avait été qualitativement leur conversation sur l’oreiller avec leur partenaire en tentant de classer l’intensité de cette conversation qui a ensuite été analysée à l’aide d’algorithmes statistiques. Les questions étaient du genre : " je ne voulais pas lui dire ce que je lui ai finalement dit " ou encore " j’ai dit à mon (ma) partenaire des choses que peu de personnes connaissent " ou enfin " après un orgasme je me confie plus facilement que dans la vie courante ". Ce genre de questionnaire est facile à intégrer car de toutes les façons on n’a plus vraiment le contrôle de nos comportements conscients quand nous sommes soumis à ces effets massifs de l’oxytocine sur l’ensemble du cerveau.

    Ce qui ressort de cette étude, certes entachée d’approximations puisque la majorité des sujets étudiés étaient des femmes hétérosexuelles qui vivaient au moins trois rapports sexuels réussis par semaine pour 57% d’entre elles, consommation d’alcool ou pas, est que la consommation d’alcool avant un rapport sexuel, que ce soit au sein d’un couple établi ou au cours d’une relation occasionnelle n’a que très peu d’incidence, selon cette étude, sur la libération de la parole, ou dit d’une autre manière, c’est le taux extravagant d’oxytocine qui éblouit ou obscurcit le cerveau, selon le côté où on se place, et une bonne partie de jambes en l’air libère la parole et l’ensemble de l’organisme pour son plus grand bien.

    Enfin, l’étude mentionne que les " conversations sur l’oreiller " après un bel orgasme partagé, ce qui reste malgré tout exceptionnel pour les couples non entrainés pour ce genre d’exercice, constituent une excellente thérapie pour l’équilibre du couple et les interactions physiologiques dont on ne mesure pas l’importance quand on se couche pour faire l’amour, la banalité de ce comportement étant souvent considérée comme une simple formalité alors que dans cet acte peut-être banal pour beaucoup d’entre nous, réside le secret de l’équilibre du couple, qu’on le veuille ou non, l’amour et faire l’amour n’étant finalement que le résultat de processus chimiques et hormonaux triviaux sur lesquels nous n’avons aucun pouvoir.

    Source : Communication Monograph