Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Futurologie bien expliquée.... aux USA

Singularity University : le pari osé du futur

Immortalité, robots sexuels, fin de la pauvreté, plantes lumineuses... Le campus de la Nasa, au sud de San Francisco, ne s'interdit aucun tabou.

Ray Kurzweil, cofondateur de la Singularity University", prévoit qu'il vivra 800 ans.

De notre envoyé spécial en Californie, Guillaume Grallet - Point.fr

Ne s'est-on pas trompé d'adresse ? Le doute saisit face à l'immense ossature de métal qui se dresse dans le ciel. Cette architecture a servi auparavant de base pour l'atterrissage de l'USS Macon, un dirigeable exploité par la marine des États-Unis pour le renseignement. C'était en 1933. Depuis, l'Ames Research Center, à Moffett Field, une demi-heure au sud de San Francisco, est resté à l'avant-garde de la technologie. La Nasa y abrite un morceau de Lune, prépare un vol aller pour Mars en 2023 et une parcelle a été louée par Larry Page et Sergey Brin, les deux cofondateurs de Google, pour y faire décoller leur Gulfstream V.

Pour arriver ici, on doit montrer patte blanche auprès de deux marshals, puis slalomer entre une myriade de centres de recherche pour atteindre le 20, Akron Road, bâtiment d'un seul tenant qui abrite la Singularity University, l'université de tous les nouveaux savoirs. Un campus sept fois plus petit que celui de Stanford, mais où bat désormais le nouveau coeur de la Silicon Valley. On y parle de robots, de biotechs, de nanotechnologies, d'intelligence artificielle, autant de technologies qui pourront changer la vie de milliards de personnes. Sur place, le code du Wi-Fi est 1.2.4.16.256, une suite numérique exponentielle...

Dans la salle, stars et P-DG

Depuis que cette faculté un peu spéciale a ouvert ses portes, il y a cinq ans, l'astronaute Buzz Aldrin, l'acteur Ashton Kutcher, qui a joué Steve Jobs au cinéma, ou encore Jim Gianopulos, le grand manitou de la Fox, ont (re)pris le chemin de l'école. Également inconditionnels, Reid Hoffman, cocréateur de LinkedIn, Nolan Bushnell, inventeur d'Atari, ou encore... le rappeur will.i.am. "Si j'étais étudiant, c'est là que j'aimerais étudier", a lancé Larry Page le jour de l'ouverture de l'école. Depuis, les plus grandes entreprises mondiales y envoient leur état-major. "Dans la salle, il n'y a que des C +, c'est-à-dire des CEO, CTO ou encore CFO du Forbes 500", souligne la professeur de biologie Robin Farmanfarmaian. Autrement dit, des P-DG, des directeurs techniques et des directeurs financiers.

"Je suis là pour vous annoncer la fin de la pauvreté en 2035 !" lance le créateur de l'école, Peter Diamandis, 52 ans, auteur de L'Ère de l'abondance, le futur est meilleur que ce que vous croyez. Les Chinois ne sont-ils pas dix fois plus riches qu'en 1960 ? Diamandis a aussi son idée pour résoudre les problèmes d'énergie. "Le biologiste Craig Venter étudie la mise au point de carburants à partir de microalgues. Un hectare pourrait produire 25 000 litres d'huile par an, contre 45 pour le maïs." Insensé ? "Exxon est prêt à injecter 300 millions de dollars dans le projet." Diamandis est aussi convaincu par la conquête des astéroïdes pour y récupérer des métaux précieux...

Le pari de l'immortalité

Le fondateur de l'université de la singularité a la tête dans les étoiles depuis toujours et des fourmis dans les jambes - difficile de le garder immobile plus d'une minute pour la séance de photos ! À 12 ans, il gagne un concours pour avoir conçu un système capable de lancer trois fusées en même temps. Né dans le Bronx, New-Yorkais de parents immigrés grecs, ce diplômé du MIT et de Harvard en médecine met au point, en 1994, Zero-G, une entreprise qui propose des vols en apesanteur à bord d'un Boeing 727. Proche de Richard Branson, Diamandis est par ailleurs à l'origine de la fondation XPrize, où siègent Ratan Tata, Arianna Huffington et Elon Musk, et qui, il y a 10 ans, a récompensé le cofondateur de Microsoft, Paul Allen, pour avoir mis au point SpaceShipOne , un hybride avion-fusée.

Admirateur de Charles Lindbergh, Peter Diamandis aurait pu en rester à ses rêveries dans l'espace si, au cours d'un de ses voyages au Chili, il n'était pas tombé sur un ouvrage, "La `Singularité est proche" de Ray Kurzweil. Ce futurologue, qui avait annoncé la fin de l'URSS ou l'avènement d'Internet, y décrit un monde où la machine, dotée d'intelligence artificielle, croise le destin de l'homme. Ce "moment", qu'il nomme "singularité", en reprenant un terme de l'auteur de science-fiction Vernor Vinge, se situe aux alentours de 2045. Kurzweil fait aussi le pari de l'immortalité de l'homme. "Il y a 1 000 ans, l'espérance de vie était de 20 ans, il y a 200 ans, elle est passée à 37 ans. Et, en 2029, un bébé aura une chance sur deux de devenir immortel", explique Ray Kurzweil, qui ingurgite 150 vitamines par jour et pense qu'il pourra vivre 800 ans. Pour lui, notre corps est semblable à un logiciel qu'il sera possible de reprogrammer et d'augmenter grâce à des clones d'organes vivants. Plus tard, il sera aussi possible de télécharger des applications dans notre cerveau. Ce culot bluffe Diamandis et c'est avec Kurzweil qu'il crée en 2008 cette faculté du futur fréquentée depuis par 2 500 élèves. En 2012, Kurzweil a été nommé directeur de la prospective de Google.

12 000 euros la semaine de cours

"Vous êtes déjà un cyborg." À la récréation qui suit le déjeuner de tofu bio, certains se ruent sur le court de tennis, équipés d'une raquette imprimée en 3D, tandis que d'autres essaient l'Oculus Rift, un masque d'immersion totale qui promet de révolutionner les jeux vidéo. Les plus appliqués planchent, un Coca à la main, en petits groupes, sur la manière de réduire le réchauffement climatique. Les candidats ont déboursé au choix 29 500 euros pour dix semaines de cours ou 12 000 euros pour sept jours intensifs.

À peine le temps d'avaler un café organique, voilà Raymond McCauley. Pour celui qui a installé un "biohacker space" en plein San Francisco, une seule chose compte : les individus vont pouvoir enfin prendre en main leur destin. "Il y a encore dix ans, décoder son génome coûtait 300 millions de dollars, aujourd'hui 1 000 dollars, et dans dix ans pas plus de 10 cents." Lui-même s'est diagnostiqué un risque de dégénérescence maculaire liée à l'âge, il croit dans la "do it yourself medicine", la capacité de mettre au point ses propres médicaments. Pas très naturel ? "Vous êtes vacciné ? Alors, vous êtes déjà un cyborg", répond en riant McCauley.

Suit un défilé d'experts tous plus passionnants les uns que les autres. L'ancien astronaute Dan Barry promet l'arrivée d'ici dix ans de robots sexuels. Le Canadien Brad Templeton évoque la généralisation des véhicules sans conducteur, qu'il a contribué à créer, et décrit la manière de systématiser les flux tendus dans l'industrie. Du côté de Moffett Field, on pense aussi que l'agriculture va changer, grâce au projet maison, baptisé Glowing Plant, qui consiste à modifier génétiquement les plantes pour les rendre lumineuses. La vision transhumaniste du monde véhiculée par Ray Kurzweil, qui a tout du gourou, soulève dans l'amphithéâtre des questions inédites. En cas de vie éternelle, le mariage va-t-il se transformer en contrat de dix ans ? Quel avenir pour les religions qui parient sur l'au-delà? Et quid de notre carrière si celle-ci prend un nouveau tournant à 75 ans ?

Un bras imprimé en 3D

Doux rêves ? Mais faut-il encore considérer l'homme bionique comme de la science-fiction, quand le californien Not Impossible Labs met au point un bras imprimé en 3D, à 75 dollars pièce, qui est utilisé au Soudan du Sud pour les victimes d'amputation ? Salim Ismail, qui représente l'université en dehors des États-Unis, fait tout pour la faire connaître dans le monde entier. En novembre 2013, à Budapest, 550 personnes ont ainsi pu voir une jolie blonde, paraplégique après un accident de ski, remarcher grâce à un exosquelette.

"Pour appréhender le futur, il ne suffit pas de calquer le modèle du passé", indique Didier Renard, premier diplômé français de l'université, agacé du manque d'ambitions de la France et de l'incapacité de nos élites à intégrer cette accélération technologique. En janvier, l'équipe dirigeante de l'université s'est déplacée en Espagne, où elle a promis 30 000 dollars de bourse à des entrepreneurs : "Ce sont eux qui vaincront le chômage." La fac vient aussi de lever 50 millions de dollars pour booster les 50 start-up qu'elle héberge. Parmi elles, Getaround, un système de location de voitures entre particuliers, qui permettra de se passer d'agences de location, Made in Space, une solution d'impression 3D dans l'espace, ou encore Modern Meadow, qui promet de fabriquer des steaks sans avoir besoin d'élever des animaux. Lowe's, Coca-Cola ou encore l'Unicef parrainent ces jeunes pousses prometteuses.

C'est donc gonflé à bloc qu'on se rend aux dernières heures de cours. Sauf qu'une femme de ménage nous arrête : le plafond de la salle de conférences vient de s'effondrer, le cours est délocalisé dans une annexe prêtée pour l'occasion... "Il a plu toute la nuit, nous sommes désolés." L'espace d'un instant, le quotidien se rappelle à l'université qui ne veut penser qu'au futur.

 

et, si l'avenir de la planète vous intéresse....

http://www.dailymotion.com/toulousejoyce

 

 

Les commentaires sont fermés.