Une greffe de neurones pour réparer le cerveau abîmé
Des chercheurs française et belges ont pu remplacer une zone lésée du cortex. Une prouesse réalisée chez la souris, qui ouvre de nouveaux espoirs pour soigner l'homme.
Réparer le cortex abîmé, un peu comme la peau sait se régénérer pour "effacer" la moindre égratignure. C'est la prouesse réalisée par des chercheurs français et belges.
Notre cerveau est un organe dont la puissance n'a d'égale que la fragilité. Il est, certes, doté d'une formidable plasticité: n'essayez pas de devenir contorsionniste à l'âge adulte, votre corps n'y résistera pas, mais au prix de quelques efforts vous pourrez apprendre le chinois ou l'art d'observer les étoiles. Cependant le cerveau est aussi très fragile. Si une lésion survient (à cause d'un AVC, d'une lésion traumatique, d'une maladie neurodégénérative ou neurologique…), il ne sait pas reconstruire les cellules et connexions disparues. La seule solution est alors d'apprendre, au prix d'une longue rééducation, à passer par d'autres chemins pour retrouver les capacités perdues.
Première mondiale
"Nous sommes les premiers à montrer que l'on peut réparer du cortex, en l'occurrence du cortex visuel", explique Afsaneh Gaillard, responsable de recherche au Laboratoire de neurosciences expérimentales et cliniques (Inserm, université de Poitiers), qui dirige une équipe de l'Inserm et de l'Institut de recherche interdisciplinaire en biologie humaine et moléculaire (Bruxelles). Ils ont pu greffer des neurones dans le cortex visuel lésé de souris adultes, et observer le rétablissement neuroanatomique et fonctionnel de la zone cérébrale. Une première mondiale racontée dans la revue "Neuron", et réalisée grâce à une arme: la thérapie cellulaire.
Ils ont d'abord dû obtenir les bons neurones à partir de cellules souches embryonnaires cultivées in vitro. Une centaine de types de neurones différents peuplent le cortex (couche superficielle du cerveau), organisés en six couches et en aires cérébrales distinctes. Puis les chercheurs ont greffé les cellules obtenues et ont observé, douze mois durant, leur comportement. "Le système était en place après un mois et demi et des connexions se sont formées, se réjouit Afsaneh Gaillard. Nous avons greffé des progéniteurs de neurones visuels, des cellules immatures qui après la greffe se sont encore développées, puis ont établi les bonnes connexions avec les bons neurones. En stimulant l'œil des souris, nous avons vu s'activer les neurones greffés."
Obtenir des connexions
Après 12 mois, la greffe avait "pris" chez 61 % des animaux. Six greffons sur 47 contenaient une large proportion de cellules non neuronales, ce qui pourrait indiquer la formation d'un tératome, type de tumeur formé par des cellules non correctement différenciées.
L'étude suggère aussi que, pour qu'un cortex puisse bénéficier d'une greffe neuronale, celle-ci doit être réalisée avec des neurones correspondant à la zone lésée. Ainsi, les mêmes progéniteurs de neurones visuels, greffés sur une lésion du cortex moteur, n'ont pas permis de la réparer ; à l'inverse, des neurones moteurs ne seront pas efficaces dans une zone visuelle. "L'un des défis majeurs de la réparation du cerveau, écrivent les chercheurs, est le rétablissement d'une connectivité neuronale spécifique et complexe. Cela implique de générer des motifs particuliers de couches corticales et d'aires cérébrales, afin de reconstruire des réseaux fonctionnels."
Afsaneh Gaillard espère désormais "pouvoir obtenir d'autres types de neurones, en particulier des neurones moteurs. Nous allons aussi tester ces greffes chez des singes, qui sont plus proches de l'homme". Car le cerveau humain est plus complexe que celui de la souris, explique la chercheuse. "Il est plus grand donc les neurones greffés devront aller plus loin et projeter de plus grandes connexions axonales."