Les "indemnités spéciales" de 80 parlementaires font polémique
L'Association pour une démocratie directe s'interroge sur des primes versées aux parlementaires les plus capés et réclame le remboursement des sommes perçues depuis 2012.
Le combat pour une plus grande transparence de la vie politique semble avoir encore de beaux jours devant lui. Selon les informations de l'Association pour une démocratie directe, 80 élus de l'Assemblée et du Sénat occupant des fonctions particulières, percevraient pour un total de 1.5 millions d'euros d'indemnités, dites "spéciales" ou de "fonction", en plus de leur traitement habituel. Des sommes non imposables, dont la destination n'est pas contrôlée, et qui viennent donc s'ajouter aux indemnités "de base", dont le plafond prévu par la loi et fixé autour de 7100 euros brut par mois pour les députés comme pour les sénateurs.
Parmi les 80 élus des deux chambres désignés par l'association, on trouve les présidents du palais Bourbon et du palais du Luxembourg, mais aussi les questeurs, les présidents de groupe ou de commission parlementaire. Au total, les "indemnités spéciales" versées culmineraient au total chaque année à plus d'un million d'euros pour l'Assemblée et 500.000 euros pour le Sénat. Dans le détail, les indemnités de fonction s'élèveraient à 7000 euros pour le président de l'Assemblée et du Sénat, et 4 à 5000 euros pour les questeurs. Dans un courrier adressé ce mardi à Claude Bartolone et Gérard Larcher, Hervé Lebreton, président de l'Association pour une démocratie directe, exige le remboursement des "sommes perçues au-delà des montants prévus par la loi, durant les quatre dernières années".
Il dénonce le fait que ces indemnités soient décidées à discrétion par les bureaux de l'Assemblée et du Sénat, dans lesquelles siègent certains des principaux bénéficiaires. "Comme ça, tout va bien, ils peuvent faire ce qu'ils veulent entre eux", critique-t-il auprès du Scan. Il fonde son accusation d'illégalité de cette pratique sur la loi organique de 1958, qui fixe le cadre de la rémunération des élus. "La loi se suffit à elle-même. Il n'y a aucune raison d'accorder une indemnisation supplémentaire aux hauts cadres élus de l'Assemblée, dans la mesure où en France, être élu n'est pas un métier, mais un engagement. On ne parle d'ailleurs pas de salaire, mais d'indemnité. Si leur fonction nécessite plus de moyens que ceux de l'élu moyen, c'est possible, mais ça ne peut pas prendre la forme d'indemnités en plus. Nous proposons que ces surcroîts de dépenses soient pris en charge par l'Assemblée a posteriori et sur présentation de factures", explique-t-il.
Un enjeu "de démocratie" selon René Dosière
Des arguments battus en brèche par le député PS René Dosière, scrutateur infatigable de la dépense publique. "C'est une fausse polémique. Il y a une confusion entre ce qui relève du domaine de la loi et ce qui relève de l'autonomie financière des institutions vis-à-vis du pouvoir exécutif, qui est un des piliers de notre démocratie", tranche-t-il, soupçonnant un "antiparlementarisme primaire de l'association". "Les chambres parlementaires n'ont jamais caché l'existence de ces sommes. La loi fixe le montant des indemnités des élus, par ailleurs l'Assemblée fixe le montant qu'elle juge nécessaire à l'exercice d'une fonction. Il n'y a pas en rendre compte à l'exécutif sans quoi se crée un risque de dépendance qui menace la séparation des pouvoirs", poursuit le député de l'Aisne.
Contacté par le Scan le bureau du président du Sénat Gérard Larcher indique n'avoir pas encore reçu le courrier de l'Association pour une démocratie directe, et qu'il répondra directement à ses auteurs. Les services de l'Assemblée n'ont, eux, pas donné suite à notre demande. Par ailleurs plusieurs députés et sénateurs contactés n'ont pas répondu à nos sollicitations, dans le contexte des vacances parlementaires