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Macrouille est en train de se planter

(et ce n’est pas réjouissant)

Le chômage est toujours aussi haut, les dépenses publiques et la dette continuent leur marche en avant triomphale et les prélèvements obligatoires crèvent tous les plafonds.

Redevenir le maître des horloges, mettre un terme à la séquence estivale d’effondrement du macronisme, redonner du sens et de l’élan au quinquennat – tel était certainement l’objectif d’Emmanuel Macron lorsqu’il s’est adressé aux Français mardi 16 octobre dernier, au soir de l’annonce du remaniement ministériel. Mais dans les faits, on a eu droit à une allocution sinistre, délivrée sur un ton sinistre, dans une ambiance sinistre. Ou comment apparaître plus affaibli que jamais.

Ce petit exercice télévisé hésitant et mal goupillé m’a irrésistiblement rappelé celui de François Hollande quand il nous a annoncé qu’il ne se représenterait pas. Même ton pitoyable, même mine d’enterrement, mêmes concessions formelles aux erreurs qui ont pu être commises… et pourtant, chez les deux hommes, même satisfaction du travail accompli.

Si Hollande a finalement été acculé à déserter la scène présidentielle, Macron, après seulement 17 mois d’exercice du pouvoir, n’a pas d’autres choix que de tenter de reprendre la main pour mener son mandat jusqu’au bout. Or curieusement, et contre toute logique, alors qu’il sait " toutes les blessures de notre vieux pays, ses doutes, ses peurs et ses colères aussi ", il fait allègrement l’impasse sur toute auto-critique et annonce qu’il ne changera rien:

Allocution d’Emmanuel Macron: " Il n’y a aujourd’hui ni tournant, ni changement de cap ou de politique " pic.twitter.com/5Co2PCY38y

    — franceinfo (@franceinfo) 16 octobre 2018

Est-ce à dire qu’on va continuer à passer en revue systématiquement, fébrilement et superficiellement tous les chapitres de nos exceptions françaises, changer deux ou trois virgules de place, remplacer deux ou trois mots par-ci par-là et passer rapidement au thème suivant en se félicitant une fois de plus d’avoir mené des réformes inédites qui vont à l’évidence faire de la France la grande puissance " économique, éducative, sociale et environnementale " qu’elle aspire à être? Qu’on va continuer à empiler les textes législatifs, s’extasier sur leur nombre ébouriffant et ne surtout pas s’attaquer aux structures en profondeur?

Force est de constater qu’après 17 mois d’exercice du pouvoir, on observe aucune inflexion nulle part dans les grandeurs qui seraient censées attester de la réalité des réformes. Le chômage est toujours aussi haut, les dépenses publiques et la dette continuent leur marche en avant triomphale et les prélèvements obligatoires crèvent tous les plafonds. C’est d’autant plus décourageant qu’Emmanuel Macron a bénéficié en début de mandat (comme Hollande avant lui) d’une période de croissance économique qui permettait d’agir.

Aujourd’hui, Emmanuel Macron est un Président très affaibli. Non seulement sa cote de popularité stagne au plus bas, 29% selon la dernière livraison du baromètre Ifop- JDD, mais l’on voit surtout qu’il subit un désamour qui le vise personnellement dans la mesure où son Premier ministre rebondit à 41% après une chute à 34 % en septembre.

Entre les deux, l’action politique n’étant pas en cause, c’est le style qui pose problème. D’abord cette façon erratique de lancer des petites phrases, une fois dans un sens quand il parle du " pognon de dingue " que nous coûte notre système social, puis une fois dans l’autre quand il vante les mérite de " notre amie l’Urssaf ", n’aboutissant ainsi qu’à entretenir la confusion sur les orientations de sa politique.

Ensuite cet abus de coups de com’ tout aussi erratiques qui le font passer de la solennité régalienne des palais de la République à la démagogie la plus imbécile quand il transforme le perron de l’Élysée en boîte électro pour la Fête de la Musique ou quand il se fait photographier en compagnie de deux énergumènes qui ont si peu de respect pour la fonction présidentielle qu’ils n’hésitent pas à faire un doigt d’honneur sur la photo. Que tout ceci se retourne contre lui alors que chômage et impôts continuent à grimper n’étonnera personne.

Son parti La République en Marche n’est pas en meilleure forme. Hâtivement formé de bric et de broc sur les sables mouvants d’un changement jamais clairement défini pendant la campagne électorale, plus basé sur le lyrisme échevelé de beaux discours calculés pour envoûter que par un programme précis, on constate maintenant très logiquement qu’il est saisi des tentations " plurielles ", ou " frondeuses ", au choix, qui ont si bien réussi au Parti socialiste. Penser de plus que l’étincelante Marlène Schiappa postule pour en prendre la tête en dit long sur la fragilité du mouvement et son vide conceptuel.

Les perspectives d’avenir ne sont pas plus plaisantes. L’embellie sur la croissance s’étant évanouie, il devient difficile de compter sur une amélioration des conditions économiques à court terme.

Pour arranger le tout, la mise en place du prélèvement à la source à partir de janvier 2019 sera forcément une nouvelle occasion de bourdes et de mécontentement. Aussi bien Emmanuel Macron qu’Édouard Philippe ont montré qu’ils avaient des doutes sur le sujet. On se demande vraiment ce que Gérald Darmanin peut avoir comme moyen de pression pour imposer cette réforme, stupide en elle-même du fait des hyper-complexités spécifiques à la fiscalité française et stupide dans son calendrier d’application puisque les inévitables premiers couacs se feront sentir dans les mois qui précèdent les élections européennes. Le gouvernement voudrait s’offrir un échec électoral  fracassant qu’il ne procéderait pas autrement.

Il était pourtant possible de ne pas se retrouver dans cette impasse.

Et si notre exécutif s’occupait enfin d’assurer sérieusement ses fonctions régaliennes qui consistent à protéger les personnes et les biens, plutôt que de mettre au point des usines à gaz juridiques pour traquer des "fake news" qui n’ont jamais tué ni volé personne et qui, de toute façon, ne peuvent être intelligemment combattues que par le débat d’idées dans un espace public ouvert, certainement pas par la pénalisation?

Et si le gouvernement s’occupait de baisser significativement les impôts pour redonner aux agents économiques des moyens d’investir et de consommer, avec tous les effets bénéfiques induits sur la baisse du chômage et la hausse du pouvoir d’achat, plutôt que de fomenter des plans santé et des plans pauvreté coûteux qui n’auront pas d’autres effets que de retirer encore un peu plus de capitaux du secteur productif, entraînant inéluctablement hausse du chômage et pauvreté?

Et si Emmanuel Macron, notre startupeur en chef, décidait de faire confiance aux entrepreneurs –ces entrepreneurs qui innovent, produisent, embauchent et paient des salaires– plutôt que de les fliquer en permanence pour vérifier si les écarts de paie entre les hommes et les femmes ou entre les plus hauts et les plus bas salaires sont conformes à l’idée purement théorique et idéologique qu’il se fait d’un niveau de rémunération acceptable?

On pourrait continuer la liste assez longuement.

S’avisant peut-être qu’une dose de catastrophisme l’aiderait à reconstruire son rôle de rempart contre tous les populismes, Emmanuel Macron concluait son allocution télévisée de la semaine dernière en des termes annonçant la tempête:

"Le monde se fracture, de nouveaux désordres apparaissent et l’Europe bascule presque partout vers les extrêmes et, à nouveau, cède aux nationalismes. Ceux qui ne voient pas ce qui est en train de se passer […] décident implicitement d’être les somnambules du monde qui va. "

Mon Dieu, oui, en effet. Et il est certain que les alternatives politiques disponibles à l’extrême-gauche comme à droite ou à l’extrême-droite n’ont pas fait la démonstration qu’elles seraient plus aptes à sortir la France de son ornière étatiste et lui redonner des degrés de liberté.

Mais à ce compte et au vu de ce qu’Emmanuel Macron a fait jusqu’à présent, n’est-il pas lui-même le premier " somnambule du monde qui va"?

N’est-il pas celui qui, par son intenable "en même temps" et son progressisme infantile, freine la libéralisation du pays, empêche des résultats concrets d’apparaître et cristallise les incompréhensions et les colères de ceux qui voient le fruit de leur travail ravagé par l’impôt et leur art de vivre plombé par l’insécurité?

contrepoints.org

 

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