Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

La neuro-amélioration à l’épreuve de l’éthique... et de la sémantique

La neuro-amélioration à l’épreuve de l’éthique... et de la sémantique

La formule de Boileau est souvent répétée : " Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement". Les sages du comité d’éthique ont récemment pu vérifier la sagesse de cet adage en s’intéressant" aux techniques biomédicales en vue de "neuro-amélioration" chez la personne non malade". Leur longue introduction met en effet en évidence la difficulté de trouver un terme français qui puisse rendre compte des aspects recouverts par les notions de "brain enhancement " ou " neuro enhancement ". Les expressions " d’augmentation cérébrale", "amélioration cérébrale" ou encore "optimisation cérébrale" ont en effet été tour à tour proposées, diversité qui met en évidence "la difficulté de rendre compte en français de la dimension à la fois quantitative (augmentation) et qualitative (amélioration) du terme "enhancement". Finalement, les sages ont décidé de retenir le terme de "neuro-amélioration".

Des données très parcellaires

Cette expression choisie, fallait-il encore circonscrire le champ de la "neuro-amélioration". De tout temps en effet, comme le notent les sages, les hommes ont cherché, par diverses méthodes, à améliorer les performances de leur esprit. Mais il s’agit aujourd’hui de s’intéresser plus précisément à la "neuro-amélioration biomédicale". C'est-à-dire finissent par préciser les sages "le recours par des sujets non malades à des techniques biomédicales (médicaments et dispositifs médicaux) détournés de leur utilisation en thérapeutique ou en recherche dans un but d’amélioration psycho-cognitive". Le sujet promet d’être passionnant, mais il conviendrait en préambule, avant de s’intéresser aux enjeux éthiques de la neuro-amélioration de déterminer dans quelle mesure elle est une tentation pour nos contemporains . Premier constat du Comité d’éthique: "Il n’y a pas d’études en France (…) qui permettrait de mieux cerner sa fréquence "observe le professeur Marie-Germaine Bousser, co rapporteur de l’avis publié cette semaine. Le manque de données touche tous les domaines. Il est par exemple impossible de déterminer la part de jeunes enfants Français utilisant la ritaline aux seules fins d’améliorer leurs résultats scolaires. Aux Etats-Unis, les enquêtes sur ce thème sont plus nombreuses. On sait par exemple que 8 à 25 % des étudiants ont recours à des médicaments neurostimulants. Par ailleurs, les projets de recherche sur ce thème se multiplient soutenus notamment par les militaires.

Invitation à la prudence

Prise de médicaments (anxiolytiques, antidépresseurs, inhibiteurs de la cholinestérase mais surtout stimulants), stimulation cérébrale transcrânienne non invasive, neurofeedback ou encore stimulation cérébrale profonde : les méthodes employées afin d’améliorer l’homme sont très nombreuses et très différentes. Leur efficacité " a pu être observée mais elle est inconstante, modeste, parcellaire et ponctuelle " estiment les sages. Ils notent également que "le rapport bénéfice/risque à long terme" est " totalement inconnu". Aussi, invitent-ils à la plus grande prudence. Signalant un "risque probable d’addiction", ils recommandent notamment de soustraire les sujets les plus vulnérables, les enfants et les adolescents, à ce type de pratiques. Ils soulignent par ailleurs la nécessité de disposer de davantage d’études sur le sujet. Leur message s’adresse en outre au "corps médical", dont il "est indispensable "qu’il soit" informé des divers enjeux de la neuro-amélioration biomédicale". A cet égard, le Comité d’éthique relève que "l’élargissement du champ de la médecine à la neuro-amélioration biomédicale du sujet non malade, comporterait un risque majeur de distorsion des priorités de santé, risque qui ne pourrait que s’aggraver si les ressources publiques étaient engagés".

Une portée politique

On le voit, la portée de cet avis est également politique. D’ailleurs, les sages soulignent que l’un des risques de la neuro-amélioration est de voir émerger d’une part un "culte de la performance favorisant une coercition souvent implicite" et d’autre part une caste privilégiée d’individus augmentés qui ne viendrait que renforcer les différences entre riches et pauvres. Plus globalement, les sages observent que la neuro-amélioration entraîne une vision probablement " fragmentée " de l’être humain. En tout état de cause, ils estiment qu’une "veille éthique" est indispensable face à un sujet où il faudrait se garder "de verser tant dans l’optimisme des mélioristes que dans le pessimisme des antimélioristes".

Ce sujet passionnant et la prise de position des sages qui, une nouvelle fois, se refusent à envisager l’homme comme une machine, susciteront sans doute de très nombreuses réflexions.

 

Les commentaires sont fermés.