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S.T.O. à Auschwitz

C'est l'histoire d'un homme merveilleux, mon papa.

Dernier enfant d'une fratrie de 11 enfants de mes grands-parents espagnols. Né en France, en 1921 dans les Hautes Pyrénées, naturalisé Français à l'âge de 3 ans. 5 garçons et 1 fille sont vivants  quand éclate la guerre 39-45.

Un jour de début 1942, mon papa reçoit une lettre terrible. Il est le seul enfant resté auprès de sa maman, ma grand-mère paternelle; les autres sont partis du foyer, un à Barcelone où il a fait la Révolution de 1936 puis s'est marié avec une Catalane, un vivait sa vie à Tarbes sans s'occuper de rien, un autre est au Venezuela, un encore se trouve dans le maquis des Pyrénées, la fille, ma marraine et tante chérie est mariée, très jeune et reste auprès de son mari.

Cette lettre affreuse le met en demeure de se rendre à la gendarmerie toulousaine pour partir au service du travail obligatoire. Mon papa, jeune homme de 19 ans passé, n'a pas du tout envie de se mettre au service des nazis… Vite, il fait passer un message à son frère du maquis et la réponse arrive: demain matin, prends le train de 6 heures jusqu'à Tarbes et “quelqu'un“ t'attendra. Cette information n'arrive pas assez vite, le délai de se présenter à la gendarmerie est dépassé d'un jour.

Ce matin-là, mon père à mis quelques vêtements dans une valise en bois pour rejoindre le maquis et il est en train de se raser à 5 heures du matin, lorsque des coups violents sont frappés à la porte: il ouvre, son blaireau plein de savon à la main et se trouve face à deux gendarmes qui lui posent cette question: “pourquoi ne vous êtes pas présenté à la gendarmerie?" Mon papa explique: j'ai dû m'occuper de ma maman qui a fait un gros malaise hier, mais, là, vous voyez, j'ai fais ma valise et j'allais me présenter“…

Ni une, ni deux, ils l'embarquent et mon papa se retrouve dans une ferme à deux km du camp d’Auschwitz à travailler, avec d'autres français, du lever au coucher de soleil sans s'arrêter, tandis que toutes les victuailles: œufs, volailles, grains et autres sont envoyées aux S.S. et autres gens du camp.

Les “travailleurs“ n'étaient pas nourris; ils devaient se contenter de manger ce qu'ils trouvaient dans les champs, surtout des racines et herbes mauvaises… de la terre, même a-t-il dit, un jour. Ce régime épouvantable lui a causé d'énormes problèmes à l'estomac. Il était très mal en point.

Il a faillir mourir et quand le camp et l'alentour ont étés découvert et libérés par les Russes, il fut envoyé dans un hôpital russe. Où on l'opéra. Il échappa de peu à la mort et fut, très longtemps alité, sans force, sans pouvoir se tenir debout.

Jamais on le voyait revenir… on ne savait pas où il était. Ma famille avait peur. Sa sœur, ma tante, faisait appel à toutes les administrations françaises: rien, rien, rien.

Elle fit venir auprès d'elle sa belle-sœur barcelonaise pour courir d'un côté et de l'autre et supplier pour qu'on le ramène. Mon oncle, à Barcelone, venait de trouver un emploi et il gardait sa fille aînée; il ne pouvait perdre son travail et  effectuer les recherches avec sa grande sœur pour retrouver son petit frère.

Cela dura encore plus de six mois, la guerre était terminée et Toulouse, libérée depuis longtemps. Puis, après des semaines d'angoisse et d'expectative, vint la bonne nouvelle de la Croix Rouge internationale, on avait retrouvé mon papa, il allait pouvoir revenir. Il était dans le dernier train de retour des prisonniers Français, le tout dernier… en 1945. D'autres Français n'ont pas eu la chance de rentrer chez eux. Ils furent enrôlés de force par les Russes et ne revinrent jamais au pays!

Mon papa était méconnaissable m'a dit ma tante: il était have, barbu, émacié; jamais on aurait pu croire qu'il avait été un beau jeune homme; il avait perdu 25 kg, il était squelettique et famélique.

Mon père n'a jamais parlé de cette époque terrifiante. Bien sûr, il savait ce qui se passait dans ce foutu camps nazi. Pour le détail de racines et de la terre qu'il avait dû manger, je l'ai su, un jour de 1958, quant un homme était venu le voir: un qui avait, aussi, été dans la ferme, prisonnier comme lui. C'est la seule fois où j'ai entendu parler de cela. Dix ans plus tard, ma tante m'a raconté ses démarches et ce temps si long avant son retour.

Mon papa est décédé en 1962 d'une tumeur au cerveau, après une épouvantable épreuve de deux longues années de maladie: c'était le 21 décembre 1962, j'avais un peu plus de douze ans. Il n'a jamais revu son frère, assassiné par les Allemands en 1944,  lors de la libération de la France.

Deux ans après sa mort, des Toulousains de tous horizons, venaient frapper à notre porte et disaient à ma mère: “je viens d'apprendre la mort de Lazare, je vous fais toutes mes condoléances, c'était un brave type…. “.

Mon père, contrairement à Georges Marchais et tout un tas de conn… qui ont critiqués les gens du STO, A ÉTÉ PRISONNIER et pas volontaire

il a fallu bien des décennies pour que les STO obligatoires soient reconnus par l'Allemagne… certaines familles de ces prisonniers obligatoires devaient toucher, soi-disant, des indemnités: je ne sais si cela a été fait, nous, n'avons rien vu.

Mais, l'essentiel est qu'il est revenu... s'est marié... a eu 4 enfants... même s'il est décédé bien trop tôt pour moi: tant que je vivrais, j'y penserais... d'ailleurs, c'est pour cela que j'écris, ici.

 

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