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Noël, le temps d’une suspension du temps

Même dans sa forme laïcisée, la fête de Noël est l’irruption du sacré qui suspend et déchire le temps profane, rappelle notre chroniqueur Vincent Coussedière.

Les fêtes de Noël sont parfois propices à l’introspection et au recul à l’égard du tumulte de l’Histoire et de la vie politique. Elles sont l’occasion d’une forme de ressourcement bienvenu dans la chaleur de la vie amicale et familiale, de mise à distance de la vie publique dans le refuge de la sphère privée.

On éteint les écrans de télévision et les téléphones portables, on se débranche du flot continu d’actualités toutes plus déprimantes les unes que les autres. Massacre antisémite de Sydney, menace imaginaire ou imminente de la Russie sur l’Europe, explosion des homicides en France, agonie des  paysans, paralysie du gouvernement, tours de piste médiatique prématurés des futurs candidats à la présidentielle de 2027 qui n’intéressent personne: on oublie et on met de côté.

On se rapproche du poêle à bois qui crépite et éclaire les nuits les plus longues de l’année. On se parle directement les uns aux autres. On prend le temps de préparer des repas qui régaleront les hôtes et ne seront pas un simple intermède dans une journée de travail. On prend soin de sortir quelques bonnes bouteilles qui ont sagement attendu que leur temps soit venu. On redécouvre le mystère de la présence des choses.

Noël n’est pas encore le temps des rétrospectives et des anticipations de la toute fin d’année. Noël est le temps d’une suspension du temps. Même dans sa forme laïcisée, il est l’irruption du sacré qui suspend et déchire le temps profane. L’avalanche de cadeaux qu’il déclenche ne réussit pas totalement à réintroduire la logique de la consommation.

LE PLAISIR D’OFFRIR SANS CONTRE-PARTIE

Il est question de dons et de contre-dons, dans lesquels l’intention compte parfois davantage que la tyrannie de la satisfaction des désirs. On redécouvre le plaisir d’offrir sans contre-partie. Noël parvient ainsi à rompre la logique  marchande dont la règle est la parfaite réciprocité et l’équivalence des produits échangés. C’est ce que ne parvient pas à comprendre la critique gauchiste de cette fête.

Certes, Noël peut parfois également et légitimement agacer. Au lieu d’être une suspension d’autant plus attachante du temps profane qu’elle reste fragile, la fête de Noël peut devenir une forme de dénégation pesante du " travail du négatif " dans l’Histoire (pour reprendre une expression de Hegel) et du tragique de l’existence. Noël donne alors lieu à une forme d’optimisme forcé.

Il faut à tout prix être " positif " et évacuer les sujets qui fâchent. Et c’est parfois paradoxalement le Noël laïque qui verse davantage dans ce travers que le Noël fêté religieusement. L’enfant qu’on met alors au centre n’est plus le fils de dieu, mais l’enfant gâté de la société de consommation, qu’on ensevelit littéralement sous des cadeaux dont il déchire compulsivement les emballages, passant de l’un à l’autre d’un air égaré.

Le véritable " cadeau " de Noël: faire accéder au mystère de la présence fragile des choses, est alors perdu, recouvert par l’illusion de la jouissance permanente.

Par Vincent Coussedière

 

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