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Les esclavagistes capitalistes

Coronavirus: du bénévolat au travail gratuit, la colère des couturières appelées à produire des masques

Sollicitées de toutes parts, des centaines de couturières dénoncent le travail gracieux qu’elles effectuent depuis des semaines au profit de collectivités ou d’entreprises.

Le "mouvement a dépassé, de loin, le cadre normal du bénévolat", dénonce le collectif Bas les masques.

Tout partait d'une bonne intention. Une volonté d'aider bénévolement en fournissant un masque au voisin, puis un autre à l'infirmière du quartier. Mais, au fil des semaines, les demandes se sont faites de plus en plus nombreuses et pressantes. La question s'est alors imposée: "Pourquoi devrait-on continuer à travailler gratuitement?", s'interroge Christie, 48 ans, costumière à Paris.

Comme elle, des centaines de couturières et costumières professionnelles ont été sollicitées par des collectivités, des hôpitaux ou des entreprises pour confectionner gratuitement des masques. Partout en France, des dizaines de mairies ont même appelé à l'effort collectif - et bénévole, donc - pour participer à la fabrication de ces moyens de protection. "La solidarité, ce n'est pourtant pas la gratuité", résume au téléphone la costumière, au chômage depuis le début du confinement.

"Plus de 700 masques en un mois et demi"

Christie avait l'habitude de travailler sur les plateaux de cinéma ou pour le théâtre. Depuis le confinement, son activité a complètement cessé. La costumière, qui vit aujourd'hui de minima sociaux, a d'abord voulu "rendre service face à l'urgence et en attendant que les stocks de l'Etat arrivent". "Mais on pouvait toujours attendre…", ironise-t-elle.

La costumière a contacté ses collègues, rassemblé des tissus, des fils et des élastiques, avant de passer chaque jour plusieurs heures devant sa machine. "En tout, je pense avoir fabriqué plus de 700 masques en un mois et demi", estime cette Parisienne qui souffre toujours de "douleurs dans le dos et à la nuque".

La pénurie du matériel de protection dans les hôpitaux s'est accentuée. Si bien que les commandes ne concernaient plus uniquement les masques, mais aussi les blouses. "Certains soignants avaient des sacs-poubelles pour se protéger. On n'allait évidemment pas refuser de les aider…", raconte au téléphone Jackie, couturière indépendante à Paris.

"Même en temps de guerre, on a toujours payé les ouvriers"

À mesure que les jours passent, la colère monte sur les réseaux sociaux. Les témoignages de ces intermittentes ou salariées épuisées par les commandes se multiplient. Voulant faire entendre leur voix, Jackie et Christie fondent le collectif "Bas les masques", qui rassemble aujourd'hui plus de 700 professionnelles, dont une très grande majorité de femmes.

Ces dernières ont également interpellé le gouvernement, en lançant une pétition qui a collecté à ce jour plus de 5000 signatures. "Le mouvement a dépassé, de loin, le cadre normal du bénévolat et en vient à concurrencer, voire remplacer une industrie existante qui devrait être plutôt soutenue par le gouvernement", s'indigne le collectif.

"À force, plusieurs d'entre nous ont même cassé leurs machines, avec les cadences qui nous étaient imposées. Une machine, ça représente au moins 700 euros", déplore Christie. "Je veux bien entendre qu'on soit en guerre. Mais dans ce cas-là, on nous rémunère. Car même en temps de guerre, on a toujours payé les ouvriers", ajoute-t-elle.

"Un travail d'usinage extrêmement dur"

Pour lutter contre cette "dévalorisation" de leur travail, le collectif appelle l'Etat à réquisitionner "les théâtres, les opéras et les usines des grands groupes de fabrication textile" pour "embaucher des intermittents" et fabriquer le matériel de protection nécessaire. Une demande qui n'a pas encore été entendue par le gouvernement.

700 euros une machine? c'est des machines professionnelles sans doute!

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