Lorsque le Soleil deviendra une géante rouge dans cinq milliards d’années, il se dilatera au point d’engloutir peut-être la Terre. Mais selon une équipe de chercheurs français du Laboratoire de météorologie dynamique (LMD), notre planète sera devenue un enfer bien avant. Les simulations du climat qu’ils ont effectuées
en tenant compte d’une augmentation très lente de la luminosité du Soleil préd
isent un emballement de l’effet de serre dans près d'un milliard d’années. Les océans, devenus de la vapeur d’eau, auront disparu et la Terre ressemblera à Vénus.
Par Laurent Sacco, Futura-Sciences
La Terre et ses océans vus par les astronautes d'Apollo. Aussi transitoires que les continents, les océans sont destinés à disparaître à cause de l'augmentation lente, mais inexorable, de la luminosité du Soleil. Dans un milliard d'années, ils seront sous forme de vapeur dans l'atmosphère de la Terre.
La Terre et ses océans vus par les astronautes d'Apollo. Aussi transitoires que les continents, les océans sont destinés à disparaître à cause de l'augmentation lente, mais inexorable, de la luminosité du Soleil. Dans un milliard d'années, ils seront sous forme de vapeur dans l'atmosphère de la Terre.
© Nasa - Terre apollo17 Nasa
Plus de 1.000 exoplanètes sont connues à ce jour, et l’on estime qu’il y a des milliards d’exoterres potentiellement habitables dans la Voie lactée. Le terme « potentiellement » n’est pas de trop, car il ne suffit pas de savoir qu’une planète rocheuse de la taille de la Terre se trouve dans la zone d’habitabilité d’une étoile pour que des océans d’eau liquide y existent nécessairement. La composition de l’atmosphère et l’évolution du climat sur de telles exoplanètes sont des paramètres incontournables dont il faut tenir compte lorsque l’on cherche à savoir si une planète est vraiment habitable et pendant combien de temps.
On sait par exemple que pendant l’Archéen, voilà environ 3,5 milliards d’années, le Soleil devait être 20 à 30 % moins lumineux qu’aujourd’hui. C’est une conséquence de la théorie de l’évolution stellaire. On en déduit naïvement que la Terre était trop froide pour que de l’eau liquide ait coulé à sa surface, en contradiction avec les archives géologiques qui prouvent l’existence d’océans à cette époque. On invoque généralement un effet de serre pour résoudre ce problème, connu sous le nom de paradoxe du jeune Soleil faible.
La vapeur d'eau, un gaz à effet de serre
Or, la progressive et très lente augmentation de la luminosité du Soleil se poursuivra, et si elle ne peut pas expliquer le réchauffement climatique actuel, elle finira néanmoins par faire monter significativement la température sur Terre dans quelques centaines de millions d’années. Le taux d’évaporation des océans augmentant, il y aura de plus en plus de vapeur d’eau dans l’atmosphère. Comme cette vapeur agit comme un gaz à effet de serre, on prédit facilement que le phénomène s’emballera et rendra la Terre aussi inhospitalière que Vénus. Mais quand ?
On voit ici les résultats de simulations de la température à la surface de la Terre à l'équinoxe de printemps exposée à un Soleil de plus en plus lumineux à l'avenir. Les deux figures à gauche sont obtenues avec le modèle de climat global, la deuxième se situant juste avant la vaporisation complète des océans. La dernière (380 W/m2), à droite, est une extrapolation illustrant les températures après la vaporisation complète des océans. Les dates, exprimées en millions d’années (million years), illustrent l'évolution du Soleil : en réalité, continents et reliefs seront totalement différents dans ce futur lointain.
On voit ici les résultats de simulations de la température à la surface de la Terre à l'équinoxe de printemps exposée à un Soleil de plus en plus lumineux à l'avenir. Les deux figures à gauche sont obtenues avec le modèle de climat global, la deuxième se situant juste avant la vaporisation complète des océans. La dernière (380 W/m2), à droite, est une extrapolation illustrant les températures après la vaporisation complète des océans. Les dates, exprimées en millions d’années (million years), illustrent l'évolution du Soleil : en réalité, continents et reliefs seront totalement différents dans ce futur lointain. © Jérémy Leconte
Pour le savoir, François Forget et Jérémy Leconte, qui se sont déjà penchés sur le climat des exoplanètes et le paradoxe du jeune Soleil faible, ainsi que leurs collègues du Laboratoire de météorologie dynamique ont conduit des simulations du climat de la Terre spécialement adaptées à la résolution de ce problème (les modèles utilisés pour prédire le réchauffement climatique à court terme ne sont pas pertinents dans ce cas-là).
Modèle 3D numérique pour le climat des exoterres
Il s’agit du premier modèle climatique tridimensionnel utilisé pour déterminer le destin des océans dans le futur, les précédents étant réduits à une dimension. Plus précis, le modèle des climatologues tenait aussi compte des saisons et des nuages. En l’occurrence, les simulations ont montré que l’« effet parasol » des nuages, c’est-à-dire leur capacité à réfléchir le rayonnement solaire et donc à refroidir le climat, tend à s’atténuer au fil des millions d’années en comparaison de leur effet de serre.
Les chercheurs sont arrivés à la conclusion que c’est lorsque le flux solaire moyen atteindra environ 375 W/m2 pour une température de surface de près de 70 °C (le flux actuel étant de 341 W/m2) que l’effet de serre s’emballera, soit dans près d’un milliard d’années. Les précédents modèles prévoyaient un phénomène similaire dans quelques centaines de millions d’années tout au plus.
Ces résultats soulignent à quel point il n’est pas aisé de définir clairement les frontières de la zone d’habitabilité pour une exoplanète, aussi bien dans l’espace que dans le temps. Par exemple, certaines simulations ont déjà conduit à envisager que les exoterres soient souvent des Arrakis, comme dans le célèbre roman Dune de Frank Herbert. Ce qui est sûr, c’est que les exobiologistes disposent maintenant d’un nouvel outil pour déterminer les conditions requises pour l’apparition et le développement de la vie sur d’autres planètes.