Premiers pas vers des spermatozoïdes artificiels humains
Des chercheurs sont parvenus à créer des cellules génératrices de spermatozoïdes à partir de cellules de la peau.
Les progrès effectués dans la reprogrammation de cellules souches ces dernières années offrent des perspectives enthousiasmantes pour la médecine régénérative. Après les neurones, les cellules cardiaques ou rétiniennes créées sur mesure à partir de cellules de la peau ou du sang, c'est au tour des cellules reproductrices. Des chercheurs britanniques et israéliens ont en effet réalisé la prouesse de produire de cellules génératrices de gamètes (spermatozoïdes et ovocytes) à partir de cellules de la peau.
La manipulation, présentée dans la revueCell, consiste dans un premier temps à transformer des cellules de la peau en cellules souches dites "cellules souches pluripotentes induites (IPS)". À l'instar des cellules souches embryonnaires, ces cellules IPS peuvent ensuite être "reprogrammées" en cellules à fonction spécifique. Dans le cadre de ces travaux en laboratoire, elles ont été transformées en cellules germinales primordiales. Ces cellules présentes très tôt chez le fœtus évoluent selon le sexe de ce dernier en spermatogonies ou en ovogonies, qui donneront les spermatozoïdes et les ovocytes à l'adolescence.
Le gène SOX17
Pour reprogrammer une cellule-souche dans le sens souhaité, les chercheurs font s'exprimer certains gènes précis. C'est l'identification de ces gènes, parmi les 30 000 du corps humain, qui constitue le principal défi. Ici, l'équipe du Pr Azim Surani, qui a travaillé trois ans sur le projet, s'est aperçue du rôle clé d'un gène, appelé SOX17, pour la formation des cellules germinales primordiales humaines.
Ces travaux font miroiter la possibilité, un jour, de remédier à certaines formes de stérilité en créant en laboratoire des spermatozoïdes ou des ovules présentant le patrimoine génétique du futur parent - un avantage indéniable au regard du don de gamètes tel qu'il est pratiqué actuellement. Les chercheurs rappellent toutefois que cette découverte reste très préliminaire. "Nous devons encore procéder à de nombreuses expériences, notamment sur l'animal, pour vérifier que cette technique peut être appliquée à l'homme. Il faudra également prendre en compte les questions éthiques soulevées par l'utilisation de gamètes artificiels", souligne le Pr Surani, du Gurdon Institute à l'université de Cambridge (Royaume-Uni).
Débat éthique
"On est encore loin d'aboutir à un traitement de la stérilité, mais ces travaux sont intéressants", confirme Christophe Arnoult, directeur de recherche au CNRS (Université Grenoble-Alpes). Ce spécialiste de la spermatogénèse met en garde contre les fantasmes que ce type de manipulation pourrait faire naître. "La fabrication de spermatozoïdes en laboratoire est impossible en l'état actuel des connaissances scientifiques, puisque la maturation de ces cellules germinales nécessite forcément qu'elles soient réimplantées dans les testicules à un moment donné", souligne-t-il. De même, impossible de fabriquer des ovocytes à partir d'une cellule-souche d'homme, ou de spermatozoïde à partir de cellule de femme, précise le Pr Surani.
Christophe Arnoult ajoute que la fabrication de gamètes par cette technique soulève des questions éthiques spécifiques, du fait de l'usage auquel ils sont destinés. "Les résultats publiés montrent que seulement 30 % des cellules manipulées donnent le résultat attendu, précise le chercheur français. Cela signifie que le contrôle de l'expression des gènes sollicités est loin d'être parfait. Le risque est double: d'une part, ces cellules pourraient se développer de façon anarchique et créer des cancers après leur implantation chez le futur parent. D'autre part, elles pourraient donner des spermatozoïdes avec des erreurs génétiques et épigénétiques, favorisant l'apparition de maladies chez l'individu ainsi conçu." Or, si un adulte peut, en toute conscience, faire le choix de s'exposer au risque tumoral pour augmenter ses chances d'avoir un enfant, l'enfant à naître, lui, subira les conséquences