La théorie des chemtrails est apparue aux États-Unis en 1996, en même temps que le développement du web où la parole d’un ignorant l’emporte sur celle d’un prix Nobel, s’il est relayé par une kyrielle d’ignares.
En 1996, sept militaires de l’université de l’Air publient une étude faite à l’instigation de l’US Air Force. Intitulée "Le climat comme un multiplicateur de force". Après les déboires de l’agent orange au Vietnam, des hauts gradés voulaient voir comment l’armée pourrait maîtriser le climat en agissant sur les pluies, les tempêtes et le brouillard afin de s’assurer un avantage militaire tactique par des armes climatiques.
Les premières recherches dataient de la guerre froide et reposaient sur le détournement d’une géo-ingénierie balbutiante d’avant WW2 pour réduire les grandes sécheresses du Midwest qui, en temps ordinaire, assure entre le quart et le tiers de la production des céréales aux USA. C’est à la suite de l’étude de l’Air Force que se propage sur les réseaux sociaux la certitude que le gouvernement crée des nuages artificiels à l’aide de produits chimiques avec des intentions maléfiques.
Les incantations des grands sorciers supposées faire venir la pluie ont été remplacées par l’ensemencement des nuages avec la pulvérisation de neige carbonique et d’iodure d’argent pour initier la glace, et de chlorure de sodium ensuite pour agréger les gouttes. Avec des succès mitigés car les vents, le soleil, l’hygrométrie et les précipitations ne sont pas réductibles au déterminisme des équations.
Bien évidemment, cette technique en grande partie gérée par des avions, moins souvent par des ballons ou des fusées, crée des nuages artificiels qui peuvent s’étirer dans un ciel bleu avec les vents en altitude. Des écolos au bagage scientifique succinct ont découvert il y a quelques années cette "nouvelle pratique" mise au point en 1946 (!) et l’ont déclarée dangereuse par manque de retours (sic).
Des nuages de pluies provoquées avec une réussite aléatoire sont devenus des chemtrails, synonymes de crimes contre l’humanité dont les finalités font dérailler le train-train de la raison.
Ces nuages, quand ils n’explosent pas en pluie, peuvent s’agréger en masses compactes susceptibles d’initier exceptionnellement des cumulonimbus générateurs d’orages et de tornades. Ceux-ci peuvent se former à des altitudes plus basses et rester dans le ciel plus longtemps que les traînées de condensation des avions.
Selon les professeurs Tournesol qui les dénoncent, les chemtrails seraient constitués de particules de métaux lourds comme des sels d’aluminium ou de titane, des corpuscules de métaux alcalins comme le baryum, le strontium et le calcium, et des polymères microscopiques. Autant de produits nocifs pour la santé et l’environnement, provoquant la maladie d’Alzheimer ou de Parkinson et des problèmes respiratoires.
La science expérimentale exige des preuves. Or les aéronefs envoyés recueillir des échantillons de cette pollution atmosphérique n’ont rien trouvé d’autre que de la vapeur d’eau. Quant aux maladies induites, les relations causales sont hypothétiques. Les malades examinés n’avaient pas dans leurs tissus des concentrations de ces métaux et polymères.
On a imaginé que le but des chemtrails serait de contrôler les cerveaux avec des psychotropes gazeux dispersés dans l’air, comme si les télés ne suffisaient pas pour abrutir les gens.
Personne n’avait la moindre idée de la quantité astronomique d’aérosols qu’il faudrait libérer dans une atmosphère ouverte où selon la constante d’Avogadro des volumes égaux de gaz dans les mêmes conditions de température et de pression doivent contenir un nombre égal de molécules.
D’aucuns ont avancé que les chemtrails serviraient à manipuler le climat, en ralentissant le prétendu réchauffement anthropique. Pour d’autres, cela favoriserait la décroissance démographique en affaiblissant les défenses immunitaires et en provoquant un appauvrissement génétique des ovules et du sperme. Mais la malbouffe, les drogues, les MST et les faux vaccins covid peuvent mieux faire.
Il y a encore l’hypothèse de la domination économique sur certains pays en sabotant leurs récoltes. On s’attend à ce que les ayatollahs paranoïaques accusent le grand Satan (USA) et le petit Satan (Israël) de leur avoir coupé l’arrivée d’eau du ciel pour les tenir à leur merci.
Les esprits cartésiens ont beau réfuter ces incriminations, les gouvernements et les médias ont tellement menti aux peuples avec le réchauffement climatique, l’immigration avantageuse, la mondialisation heureuse, le covid et la russophobie que plus personne de sensé ne leur fait confiance. Et tandis que le web fourmille de théories alternatives plus ou moins farfelues, la crédibilité de la science s’est érodée. Disloquée par la médiocrité d’enseignants plus propagandistes que positivistes.
L’explication météorologique des chemtrails admise par la plupart des scientifiques renvoie aux cirrus.
Des chemtrails comme des OVNI ont été observés depuis l’antiquité et le Moyen Âge. Des clercs ont rapporté leurs observations. Des lettrés ont décrit la réaction des foules et une iconographie religieuse a été consacrée à ces signes dans le ciel. Ils ne sont donc pas arrivés avec la machine à trier les pois chiches assistée par IA.
Ces nuages se forment en haute altitude dans la troposphère, entre 5000 et 15.000 mètres. Effilés ou effilochés, étirant des cristaux de glace clairsemés, on les a comparés à des arêtes de poisson ou des cheveux d’anges. On en trouve sous toutes les latitudes. Mais aussi dans l’atmosphère de Mars où ils sont également composés de cristaux de glace et de dioxyde de carbone. Le phénomène est assez banal dans le système solaire. Sur Jupiter, Saturne et Uranus, les cirrus sont constitués d’ammoniac ou de méthane glacé.
Certains cirrus terrestres sont dus aux avions. Mais pas en pulvérisant des produits chimiques mortifères comme les accusateurs des chemtrails le prétendent. Déjà au temps des avions à hélices frôlant la troposphère, des traînées de condensation sur les bords de fuite de l’extrémité des ailes étaient observées. Les plus significatives à l’époque furent remarquées sur le fameux Lockheed Lighting P-38 dont le plafond atteignait 6000 m, et dans lequel Antoine de Saint-Exupéry fut abattu.
Du côté des aéroplanes à hélices, il ne reste plus beaucoup de moteurs à pistons. L’aviation commerciale de fret ou court courrier a adopté le turbopropulseur dont la turbine à combustion et l’altitude de croisière peuvent générer des traînées.
Sinon, pratiquement tous les avions de ligne longue distance actuels sont propulsés par des turboréacteurs qui produisent des cirrus induits par les traînées de condensation liées à la vitesse et la réaction des flux de poussée avec l’air ténu très froid en altitude. Or il y a une moyenne de 100.000 avions dans le ciel chaque jour, partout dans le monde.
Une autre explication implique des activités humaines qui n’ont rien de secret.
Ainsi en est-il de l’épandage aérien consistant à pulvériser des insecticides ou des fertilisants sur des sols agricoles, des forêts ou des marécages. Certains produits peuvent stagner en brouillards et causer des lésions cutanées ou oculaires si on se trouve dessous. Les autorités de l’Eurocrature les ont interdits presque partout, ou assujettis à des conditions draconiennes. Tandis que les pays du Mercosur ont toute liberté d’en user et d’en abuser pour maintenir leurs rendements et nous inonder de leurs produits agricoles, ruinant nos paysans.
Ces chemtrails-là sont nocifs à tous points de vue.
Christian Navis
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