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Violences à la fac de Montpellier

Qui sont les vrais coupables ?

FIGAROVOX/TRIBUNE - François-Xavier Lucas fait le point sur les violences survenues à la faculté de droit de Montpellier. Il distribue les mauvais points : aux occupants qui ont utilisé des méthodes de soviets, aux violents étudiants qui les ont délogés, mais surtout aux responsables qui n'ont pas su faire respecter l'autorité de l'État.

Il y a du rififi à la fac de droit de Montpellier… où les grévistes occupant nuitamment un amphi en ont été délogés manu militari par quelques séides cagoulés revendiquant bruyamment la liberté de suivre les cours. Une telle violence, inacceptable, particulièrement au sein du sanctuaire que devrait être l'université, rend difficile toute analyse à chaud alors que la part prise par chacun n'est pas encore clairement établie et que l'on reste abasourdi par la brutalité des images qui circulent. Si l'on parvient à dépasser le stade de l'émotion (légitime mais qui n'aide guère à la réflexion) suscitée par lesdites images, on peut s'interroger sur la responsabilité des parties prenantes, au-delà de celle - évidente - des barbouzes, mais aussi ramener cette affaire à de justes proportions.

Étonnamment, ce fait divers suscite un intérêt inversement proportionnel à son importance. Car de quoi s'agit-il sinon d'empoignades entre grévistes et non-grévistes se disputant un amphi? À l'heure où l'on s'apprête à célébrer mai 68 et les glorieux étudiants ayant échangé force horions, on ne peut que s'étonner que les héritiers des grands anciens viennent réclamer vengeance devant les caméras pour s'être fait déloger d'un amphi qu'ils occupaient illégalement. À la grande époque de la chanson de geste soixante-huitarde, ces évacuations musclées étaient monnaie courante pour les diverses factions se disputant l'espace universitaire, les uns et les autres reprenant un amphi comme d'autres reprenaient jadis une tranchée.

La décence ne trouvait guère son compte dans ces manifestations violentes mais la réprobation restait limitée, les étudiants pouvant compter sur l'indulgence d'un public acquis aux carabins et à tous leurs excès y compris les moins défendables. Visiblement cette bienveillance n'a plus cours, si l'on en croit l'unanime réprobation que suscite l'empoignade ayant eu pour cadre la faculté de droit de Montpellier. Les journaux consacrent à l'événement des articles indignés, n'ayant pas de mot assez durs pour dénoncer les violences et en rendre comptable le doyen. Quant aux étudiants navrés d'avoir perdu la bagarre, ils ne rêvent que de plaintes et de piloris et en appellent à la police et au juge pour satisfaire leur furie vengeresse. Autre temps, autres mœurs…

Évidemment, la manifestation d'étudiants, inquiets d'une réforme de l'université dont il est aujourd'hui difficile d'apprécier la portée, est aussi légitime qu'est odieuse la violence exercée à leur endroit. Sur un sujet d'une telle importance pour leur avenir et pour celui de la nation tout entière, leur liberté d'expression doit être totale et nul ne peut la leur contester. Cela dit, c'est à cet égard que l'affaire montpelliéraine n'apparaît pas traitée de façon satisfaisante car n'y est nullement en cause la liberté de manifester mais la légitimité des moyens de se faire entendre. Si l'on veut introduire un peu de contradiction dans le traitement biaisé de ce fait divers, il est essentiel de le signaler et de rappeler ce qu'est une occupation d'amphi, telle celle qui a servi de décor à ce drame méridional.

Manifestations violentes et iniques, les occupations d'amphi et autres blocages de fac devraient valoir à leurs auteurs réprobation et condamnation mais elles sont traitées avec la plus grande bienveillance - et lâcheté - par des autorités - doyens, présidents d'université, préfets - qui n'ont qu'un seul souci, celui d'éviter l'incident. Surtout, pas de vague… On se couche devant la violence de ces réquisitions en faisant en sorte de regarder ailleurs.

Le scénario est à chaque fois le même. Une brochette de squatteurs, étrangers pour la plupart à la fac qu'ils investissent, chasse un professeur au milieu de son cours, s'approprie la chaire et monopolise le micro pendant des heures avant d'installer ses pénates au milieu des pupitres pour y passer la nuit.

Contrairement à ce que répètent à longueur d'antenne ou d'article des journalistes enamourés, ces actions n'ont rien de pacifique. À les croire, l'heure serait à la discussion, aux stimulants débats, si ce n'est à la franche camaraderie de barricades, mousse et pampre, comme dirait l'autre. Rien n'est plus étranger à la réalité de ces voies de fait dont on ne dénoncera jamais assez la brutalité. Toute personne qui souhaiterait exprimer une opinion dissidente est empêchée de le faire quand ce n'est pas, physiquement, menacée par les gros bras interlopes qui sévissent dans l'amphi, que les étudiants doivent abandonner, privés du droit d'étudier au motif qu'un soviet brutal a réquisitionné leur salle de cours.

 Que penser dès lors de l'action vigoureuse qui, à la fac de droit de Montpellier, a permis, pour la première fois depuis bien longtemps, de chasser les occupants sans titre qui prétendaient empêcher les cours de se tenir? La navrante violence qui a été utilisée à cette fin doit être condamnée mais cette déploration est vide de sens si elle ne s'accompagne pas d'une recherche de responsabilité des différents acteurs. Il faut le marteler, cette responsabilité est d'abord celle des factieux ayant réquisitionné un amphi, qui n'ont à s'en prendre qu'à eux-mêmes de la bagarre entre grévistes et non-grévistes qu'ils ont provoquée.

Les ahuris qui s'étonnent de s'être fait molester devraient méditer sur la rude condition du piquet de grève et comprendre que, quand on prétend tenir Fort Chabrol, il faut être prêt à en assumer les conséquences. Responsabilité ensuite des nervis imbéciles qui, par leur usage immodéré de la force, ont évidemment desservi la juste cause qu'ils prétendaient défendre (rendre l'amphi aux étudiants désireux d'étudier) en faisant à leurs adversaires le cadeau d'une posture victimaire dont ils se délectent aujourd'hui.

Mais responsabilité aussi, et on est tenté de dire surtout, de ceux qui, incarnant l'autorité de l'état, négligent de l'exercer. Que le doyen de la faculté de droit de Montpellier ait été abandonné à son sort et qu'il ait dû gérer seul ces militants qui prétendaient passer la nuit dans sa fac, au risque que s'y produise la mise à sac qu'il est hélas courant de constater dans de telles occasions, là réside le vrai objet de scandale et c'est sur ce point que l'enquête administrative qu'on nous annonce devra porter. À partir du moment où on laisse de prétendus grévistes (rappelons que faire grève consiste à cesser soi-même le travail, pas à empêcher les autres de travailler) imposer leur loi sans garantir la légalité et sans que l'État n'exerce la violence alors légitime dont il s'est réservé le monopole, on incite les mécontents à se faire justice eux-mêmes et on laisse s'installer des réflexes d'autodéfense particulièrement dangereux.

S'il apparaît que le Président de l'université de Montpellier et le Préfet de l'Hérault appartiennent à cette catégorie de piteux commis que la trouille tétanise, et s'il est établi qu'ils n'ont pas permis que la police intervienne pour faire évacuer l'amphi illégalement réquisitionné, c'est à eux qu'il faudra demander des comptes.

Lire l'article sur le Figaro: http://po.st/IZkPVE

 

 

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