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techniques - Page 20

  • Drones: pour qui sont ces serpents qui sifflent sur nos têtes?

    Le religieux n’est jamais loin lorsqu’il est question de ces robots volants

    Stéphane Stapinsky - Historien et essayiste. Il prépare un fascicule sur les drones

    une hypertrophie actuelle du regard : " Trois mots de même famille résument les effets de l’actuelle du regard : prospection, inspection, introspection. Prospection : voici l’ingénieur qui scrute les entrailles de la Terre, de la Lune et de Mars, avec l’espoir d’y trouver matière à exploiter. Il fonde ainsi ce que René Dubos appelait la civilisation de l’extraction. Inspection : Voici l’État et ses serviteurs qui nous font entrer dans l’ère du contrôle et voici, au terme de ce processus, Big Brother, à qui la télé-réalité permet, avec la complicité des victimes, de pousser son inspection jusqu’à la sphère la plus intime de la vie privée. Introspection : Voici l’inspecté qui, suivant les maîtres de la psychologie des profondeurs, prospecte et inspecte ses abîmes intérieurs. "

    À cet oeil, que l’on pourra bientôt qualifier de préhistorique, il manquait une lentille volante qui allait lui permettre de devenir omniprésent et donc omniscient. Cette lentille c’est le drone, si l’on veut bien entendre par ce mot tout véhicule volant sans pilote.

    Dans La République, Platon raconte l’histoire d’un tyran, Gygès, qui tire son pouvoir d’un anneau magique : selon le sens où on le tourne, il rend visible ou invisible celui qui le porte. Ainsi armé, on peut tuer et régner par la terreur impunément. Ce mythe sur l’art de régner en voyant sans être vu a failli devenir une réalité à la fin du XVIIIe siècle quand Jeremy Bentham a lancé son idée de Panopticon, la machine ou plutôt l’édifice à tout voir, idéal pour les prisons où un seul surveillant placé au milieu de la place pourrait observer ce qui se passe dans chaque cellule sans être vu lui-même. Dans Surveiller et punir, Foucault a développé l’idée de Bentham en l’appliquant à la société tout entière : " [L]’effet majeur du panoptique[est d’]induire chez le détenu un état conscient et permanent de visibilité qui assure le fonctionnement automatique du pouvoir. Faire que la surveillance soit permanente dans ses effets, même si elle est discontinue dans son action ; que la perfection du pouvoir tende à rendre inutile l’actualité de son exercice. " On peut assurément soutenir, comme l’a dit un jour le député-maire français Noël Mamère, que le drone, " c’est l’application modernisée du panoptique à la ville entière, c’est un système de surveillance disciplinaire généralisé ".

    Le religieux

    Le religieux n’est par ailleurs jamais loin lorsqu’il est question des drones. Adam Rothstein, fondateur de Murmuration (" A Festival of Drone Culture ", organisé en juin sur Internet) les compare à des anges " en orbite au-dessus de nos têtes, les nouveaux nomades astrologiques de nos destins mortels ". Selon Claire L. Evans, les drones nous troublent parce qu’ils " sont les agents d’une omniscience toute humaine qui se compare aux pouvoirs des dieux " (" Big Smart Objects : Drone Culture and Elysium, " Grantland, 14 août 2013).

    Certaines peurs ancestrales revivent, car l’utilisation qui en est faite nous rappelle que, oui, " le ciel peut nous tomber sur la tête " et qu’il est possible d’être foudroyé par Zeus. " Les drones créent en moi de nouvelles formes de paranoïa : dans tous mes cauchemars adolescents les plus lucides à propos de l’avenir, jamais je n’ai été amenée à craindre une mort […] qui me viendrait du ciel. Maintenant, j’y songe régulièrement " (C. L. Evans). Les marines américains présents au sol lors d’une attaque de drone désignent d’ailleurs le faisceau laser envoyé par celui-ci sur sa cible avant l’instant fatidique comme " la Lumière de Dieu ".

    Outil de destruction

    Le drone est outil de destruction en même temps qu’outil d’inspection, un regard qui tue. Mille drones avec une minuscule tête nucléaire, lancés en même temps sur Hiroshima auraient pu avoir le même effet dissuasif que la bombe A. Mais personne à ma connaissance n’aurait eu l’idée de faire de la bombe A un objet esthétique, tandis que la chose semble aller de soi dans le cas du drone.

     

    Un drone militaire comme le Predator — qui a l’air d’un gros oiseau tranquille — est un bel objet, tout en finesse, avec des courbes gracieuses. La conception de ce type d’aéronef procède assurément de la volonté d’imposer sa puissance par le biais de l’esthétique. C’est d’ailleurs une qualité des objets high tech : xontrairement à la technologie moderne, la haute technologie ne peut plus être définie uniquement en termes d’instrumentalité ou de fonction […]. Dans la haute technologie, la technologie devient davantage une question de représentation, d’esthétique, de style " (R. L. Rutsky, High Techne: Art and Technology from the Machine Aesthetic to the Posthuman, 1999).

    Cette instrumentalisation de la beauté, même ceux qui critiquent le drone y succombent. C’est le cas d’artistes et d’intellectuels appartenant à une certaine avant-garde, largement anglo-saxonne, qui le prennent comme objet de leur travail. Plusieurs gravitent autour du festival Murmuration, créé par Rothstein.

     Tout cela baigne dans un fond de technophilie, de festivisme et de transhumanisme qui me laisse perplexe. Dans cette appropriation du drone par un certain milieu culturel, on retrouve les contradictions de notre époque face à ce genre de technologie. D’un côté, on en stigmatise à juste titre certains excès; de l’autre, ébloui, on se soumet sans rechigner au diktat de la société technicienne.


  • Demain c'est aujourd'hui en 2014

    Alain Gachet, le Français (eh oui), auteur d'un système à l’origine de la recherche de l'eau, explique en effet qu’on va pouvoir, grâce à son expertise et sa technologie, trouver de l’eau partout dans le monde. Pour beaucoup de pays, cela représente une véritable révolution capable de sortir leurs populations de la misère dans laquelle le manque d’eau les contraint à vivre. On peut s’étonner de la modeste médiatisation d’une telle découverte; l’actualité est trop encombrée de quenelles, semble-t-il.

    Quant à l’énergie, voyez les développements actuels dans la filière du Thorium (en Chine, au Canada, en Allemagne, en Inde, en Israël, au Japon, en Norvège, aux États-Unis ou en Grande-Bretagne), ce qui permet de continuer à rester extrêmement confiant devant les alarmistes du peak oil qui n’en finit pas de ne pas arriver. Mais de façon générale, la recherche d’autres méthodes efficaces de stockage d’énergie continue de plus belle.

    Ainsi, pour la production de pétrole à partir d’algues, véritable serpent de mer écolo/économique, des avancées notoires ont été rapportées dans les derniers mois de 2013 qui permettent un optimisme raisonnable; pour le moment en effet, l’équation économique renvoyait cette technique particulière dans le domaine des lubies non rentables: pour obtenir la précieuse huile, il fallait jusqu’à présent séparer l’eau contenue dans les algues (par séchage) ce qui coûtait en temps et en énergie. Le procédé développé au PNNL, Pacific Northwest National Laboratory, par l’équipe de Doug Elliott, permet à présent de passer directement des algues humides au pétrole sans ce séchage préalable. Bien évidement, là encore, il y a fort loin de la recherche à l’étape industrielle, mais le simple fait qu’il existe maintenant une telle technologie permet d’atténuer les pessimismes.

    3D - Du côté des batteries électriques, les récentes recherches et l’utilisation ingénieuse de l’impression 3D ont permis de produire des batteries minuscules avec un très bon rendement. Sans présager d’une industrialisation massive qui sera, on s’en doute, assez complexe, des solutions se dessinent donc nettement de ce côté.

    Et puisqu’on parle d’impression 3D, notons l’usage de plus en plus poussé de cette technique. Très clairement, là où l’impression 2D a connu son heure de gloire lorsque la couleur est devenue abordable pour le plus grand nombre, et que, de nos jours, n’importe qui peut disposer d’une imprimante pour moins de 100€, l’impression 3D est encore loin d’arriver au même résultat. Et si l’on peut trouver pratique d’imprimer chez soi son billet de train ou ses photos de vacances, le besoin courant d’impression d’objets reste anecdotique.

    En revanche, la technique est très prometteuse puisqu’elle abaisse considérablement le coût des objets uniques. Or, la médecine constitue le domaine roi de l’objet unique, qui, s’il n’est adapté qu’à un seul individu, n’en demeure pas moins très rentable voir vital. C’est le cas, bien sûr, des prothèses à façon; l’année 2013 a vu se multiplier les vidéos expliquant comment tel amputé, en recourant à l’impression 3D, a pu obtenir un usage satisfaisant d’une prothèse trop coûteuse si elle avait été réalisée autrement. Et ce qui marche pour des prothèses semble fonctionner pour des cellules organiques; dans un avenir possiblement proche, tissus et organes seront littéralement imprimés pour vous.

    Et comment parler d’avenir sans parler déplacements? Le développement des voitures autonomes: certains constructeurs ont déjà mis une date sur l’apparition dans le commerce de tels engins. Et 2020 n’est pas très loin (6 ans).

    Autre technologie, elle aussi en pleine expansion: celle des drones.

    Si ces derniers sont évidemment porteurs de menaces très nettes en matière de libertés civiles, d’atteinte à la vie privée, en ce qu’ils permettent (par exemple) un flicage précis et omniprésent, ou représentent un bond en avant inquiétant en terme d’armes volantes, il faudrait cependant pas voir exclusivement le verre à moitié vide. Les drones sont aussi les vecteurs potentiels de changements majeurs de paradigmes.

    Récemment, ils ont été évoqués comme moyen de distribution pour Amazon; deux minutes d’analyse permettent bien sûr de refroidir tout enthousiasme à ce sujet. Cependant, derrière les annonces médiatiques d’un Jeff Bezos malin, on peut aussi trouver des projets bien plus sérieux. Celui d’Andreas Raptopoulos est, par exemple, porteur d’immenses promesses d’ores et déjà réalisables avec les techniques modernes. Si l’idée de distribution d’Amazon souffre de problèmes légaux (le survol de zone densément peuplées par des engins trimballant des kilos de charge pose de gros problèmes de sécurité) et économiques (la rentabilité face à un coursier en scooter est catastrophique), celui de Raptopoulos s’en affranchit fort bien.

    Les quelques éléments de cet article -parce qu’ils ont chacun le pouvoir de changer profondément les vies de millions d’individus sur la planète et montrent de façon éclatante que si l’avenir est rempli d’incertitudes, si l’on peut certainement y voir les germes de désordres ou de problèmes- on peut aussi y découvrir d’immenses espoirs de révolutions douces, de bénéfices partagés et de progrès concrets. Le tropisme naturel des médias les force à s’attarder sur les trains en retard; ceux qui arrivent à l’heure n’ont que rarement droit de cité. Et ceux qui arrivent en avance et amènent avec eux ce qu’on attendait le plus sont oubliés au milieu du flot banal des turpitudes humaines.

    L’Humanité s’est engagé dans un combat plusieurs fois millénaire pour l’amélioration de ses conditions d’existence. Et depuis peu, elle est en train de le gagner. Pour peu que l'on sache où regarder.

    En attendant, ici, en France, le sentiment général des Français sur l'amélioration de leurs conditions ne se fera qu'à partir du début Mai 2015. (qui le dit? c'est moi… je l'ai “vu“; comme j'avais annoncé plus de 3 mois à l'avance la crise financière de 2008 en éditant sur mon bloc de pro une phrase terrible: la France vient d'entrer dans un monde de ténèbres….) D'ici le mois de Mai 2015, il faudra encore subir et souffrir au niveau matériel. Quand au niveau sociétal… ce n'est même pas la peine d'en parler: la catastrophe est en marche.


  • Bon réveillon!

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    Bon réveillon!

  • Du rejet de la science et de ses conséquences

    Du rejet de la science et de ses conséquences

    Le rejet de la science a des conséquences concrètes, tous les jours. En 2011, 15 000 cas de rougeole ont été recensés, en bonne part à cause du rejet de la vaccination.

    Par Th. Levent.

    Laboratoire à l'université de Cologne (Crédits Magnus Manske Licence Creative Commons)Comme chacun sait, la science et ses applications sont les pires ennemis du genre humain, ne parlons même pas des bêtes. Pour illustrer notre propos, prenons l’exemple de la médecine.

    Le vaccin papillomavirus humain (HPV), particulièrement le Gardasil®, serait un horrible poison si l’on en croit la presse après la plainte d’une jeune fille l’accusant d’être à l’origine d’une maladie neurologique dont elle est victime.

    Bien entendu, personne ne s’intéresse à l’avis de la Société de Pathologie Infectieuse de Langue française qui rappelle que : " Les données australiennes démontrent que la vaccination HPV des jeunes filles est efficace pour la prévention des lésions précancéreuses de l’utérus et des cancers de l’utérus. L’analyse de risque effectuée par l’European Center for Diseases Control démontre le bénéfice de cette vaccination en termes de santé publique et ne fait pas apparaître de sur-risque de complication neurologique inflammatoire par rapport à la population non-vaccinée, information confirmée par la Food and Drug Agency. Dans l’état actuel des connaissances, aucun lien de causalité n’a été établi entre une vaccination contre le virus HPV et la manifestation d’une maladie neurologique inflammatoire chronique ".

    Il faut dire que ces remarques émanent d’une société savante, autrement dit d’un groupe d’idiots utiles forcément à la solde des grands groupes pharmaceutiques… Cela rappelle furieusement l’analyse d’autre sociétés savantes vis-à-vis de la célèbre non-étude de Séralini, totalement infirmée dans un silence médiatique assourdissant.

    La défiance savamment entretenue envers la vaccination peut avoir un impact très concret. En 2011, 15 000 cas de rougeole ont été notifiés en 2011, 1 000 cas ont présenté une pneumopathie grave, 31 une complication neurologique et 10 sont décédés.
 Ceci est directement lié à une diminution de la couverture vaccinale.

    Dans l’affaire qui n’en est pas une du Gardasil®, les notions de biais, de facteurs confondants, de limites d’interprétation épidémiologiques… etc., sont largement effacées des écrans radar. Trop compliqué nous dit-on. Sauf que ces informations sont fondamentales pour ne pas gober n’importe quoi.

    C’est donc sur l’ignorance et l’absence de culture scientifique, que jouent nombre de nostalgiques du " c’était mieux avant, la science c’est dangereux, on nous ment, le livre noir du scientisme est ouvert… ". Dézinguons avec application notre savoir-faire en biotechnologie, nanotechnologie et autres recherches sur la manière d’extraire au mieux les gaz de schiste par exemple. Jetons dans les poubelles de l’histoire les vaccins et antibiotiques, la chimie, les ondes hertziennes et les électrons qui ne sont pas verts au motif que tout ceci n’est pas très naturel et peut-être dangereux. La pusillanimité générale inhérente au principe de précaution constitutionnalisé défendu bec et ongle par nos visionnaires Verts tout particulièrement, commence à faire des ravages en gélifiant toute velléité de la moindre prise de risque. La sclérose administrative et psychologique est telle que de plus en plus de nos jeunes très bien formés en France en grande partie sur fonds publics, migrent vers des cieux plus riants, dynamiques et moins pleurnichards. Cela nous coûte la bagatelle de 10 milliards d’euros par an. Encore bravo s’exclament les pays accueillants qui finalement adorent la France.

    Il faut dire que rien n’est fait pour nous faire aimer et comprendre la science et son intérêt, à commencer par la formation scientifique de nos élites dirigeantes toutes ou presque sorties de l’ENA (des administrateurs) ou de HEC Paris (des commerciaux). Bref, tout sauf des créateurs et des chercheurs. Le Japon, l’Allemagne où la Chine n’hésitent pas à promouvoir des scientifiques au gouvernement. La France quant à elle, n’a pas de pétrole, mais possède des scientifiques de haut niveau qu’elle n’écoute pas, même en leur commandant des rapports tous plus instructifs et pragmatiques les uns que les autres (rapports Gallois, Lauvergeon… ) qui finissent tous dans les tiroirs. Un suicide à répétition.

    Deux rayons de soleil éclairent néanmoins cette fin d’année morose.

    Gilles-Éric Séralini va peut-être devoir passer à la caisse et rembourser les sponsors de la grande distribution qui avaient soutenus " en toute indépendance " l’inoubliable étude qui avait fait la Une du Nouvel Observateur (toujours en toute indépendance) sur la toxicité des OGM (tumeurs à tous les étages). La revue Food and Chemical Toxicology a retiré de sa publication cette étude, qui n’existe donc plus, après réexamen par un comité d’experts qui, de nouveau, confirme la nullité méthodologique des analyses statistiques. Un minimum de recul, de connaissance et d’analyse scientifique journalistique n’aurait certainement pas nui au débat et à l’intelligence des lecteurs. Corinne Lepage, la Brigitte Bardot des chromosomes torturés, reste étrangement silencieuse pour une fois. Seul l’hebdomadaire Marianne a relayé cette information écolo-incompatible.

    Michel Serres, philosophe au savoir immense, persiste à s’émerveiller devant les mutations technologiques, celles de l’information en particulier. Cela nous change du discours catastrophiste habituel des rabougris de l’innovation.

    Tout n’est peut-être pas perdu.

  • Insensibilité, mère des déraisons

    Insensibilité, mère des déraisons

    Jocelyn Giroux


    «Notre cher Kant a le mérite incommensurable pour le monde, et pourrais-je dire, pour moi, d’associer dans sa critique du jugement l’art et la nature et de leur accorder à eux deux le droit d’agir sans but par principe. Depuis toujours Spinoza m’avait inculqué la haine des causes finales absurdes. La nature et l’art sont trop grands pour aspirer à des fins et n’en ont pas besoin, car il y a un tissu de relations en tous sens, et les relations sont la vie.»Goethe

     
    Goethe a reconnu l'importance capitale de Kant lorsqu'il s'agit de penser lucidement le rapport de l'homme à l'univers. Il retrouvait  chez le génie de Könisberg «la haine des causes finales» qu'il avait retenue de Spinoza. Le rejet d'un finalisme transcendant est une des composantes de la vision immanente du monde. L'univers n'obéit pas aux désirs de l'homme et il est vain d'y projeter nos fantasmes en les objectivant inconsciemment.

     Ainsi répond Spinoza dans sa correspondance avec Hugo Boxel qui dans une lettre, s’émerveillait de  la beauté et de la perfection de l’univers : «la beauté, Monsieur, n’est pas tant une qualité de l’objet considéré qu’un effet se produisant en celui qui le considère. Si nos yeux étaient plus forts ou plus faibles, si la complexion de notre corps était autre, les choses qui nous semblent belles nous paraîtraient laides et celles qui nous semblent laides deviendraient belles. La plus belle main vue au microscope paraîtra horrible. Certains objets qui vus de loin sont beaux, sont laids quand on les voit de près, de sorte que les choses considérées en elles-mêmes  ou dans leur rapport à Dieu  ne sont ni belles ni laides. Qui donc prétend que Dieu a créé le monde pour qu’il fût beau, doit nécessairement admettre ou bien que Dieu a fait le monde pour l’appétit et les yeux de l’homme, ou bien qu’il a fait l’appétit et les yeux de l’homme pour le monde.»

     Alain a dit la même chose autrement : « la sagesse consiste à éliminer, autant qu’on peut, cette part de soi-même dans ce qu’on connaît. Qu’on y arrive, c’est ce que montre la suite des sciences mais la difficulté est grande pour cette partie de nos visions qui naît de mouvements tumultueux du corps humain et des passions qui en résultent, comme la peur ou l’espérance. L’imagination projette parmi les choses les reflets de nos émotions».

     Cela dit, sans présumer ce que sera la nature humaine dans 100,000, 50,000, 10,000, 5,000 ou même 1,000 ans, nous pouvons soutenir que l'état des connaissances permet d'affirmer que l'Homme n'a pas évolué pour vivre désincarné dans un laboratoire blanc cru où la raison régnerait seule. La morale, l’art, l'amitié, l'amour, la quête de sens sont impossibles sans la médiation de la sensibilité. L'évolution a retenu dans le développement de notre adaptation au monde l'émotion et la raison. Il ne faut négliger ni l'une ni l'autre. «La capacité d’exprimer et de ressentir des émotions est indispensable à la mise en œuvre des comportements rationnels. Et lorsqu’elle intervient, elle a pour rôle de nous indiquer la bonne direction, de nous placer au bon endroit dans l’espace où se joue la prise de décision, en un endroit où nous pouvons mettre en œuvre correctement les principes de la logique».

     

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    L'astronome,  Johannes Vermeer


    Quel est le sujet du tableau de Vermeer reproduit plus haut ? La lumière ? La couleur ? Le silence ? La science ? L'astronome de Vermeer est sérieux mais serein. Il tourne doucement le globe céleste. Une draperie veloutée recouvre une partie de la surface de la table près d’un livre d’astronomie. On entrevoit un compas et un astrolabe en partie cachés mais illuminés par un flot de lumière entrant par la fenêtre.

    Que deviendrait la scène sans cette lumière ? Imaginez que la fenêtre est murée. Dans ce chef-d’œuvre, j'interprète cette lumière qui inonde l'astronome et les symboles de sa science comme une  métaphore de la sensibilité qui donne chaleur et couleur à notre rapport au monde. Cette scène intimiste est pour moi une allégorie de notre lien avec l'univers. Que serait pour nous la science dans le noir ou la lumière sans savoir ?

    Trop de lumière aveugle. Apparaît alors le finalisme qui est un débordement analogue à l'amour fou. Ou la peur, le vertige ou la déréliction même comme je le perçois dans Le Moine au Bord de la Mer de David Caspar Friedrich.

     

  • De tout, un peu

    La synthèse

    À l’heure où les réveillons se préparent, où l'on vérifie que les cadeaux sont bien emballés, la Terre continue encore de tourner. Et la science d'avancer. Les actus qu’il ne fallait pas manquer :

    •Apollo, 45 ans après. Le 24 décembre 1968, Frank Borman, Jim Lovell et William Anders, membres de la mission Apollo 8, étaient en orbite autour de la Lune quand ils ont aperçu depuis notre satellite un lever de Terre. Un moment aussitôt immortalisé par les astronautes, qui ont ramené ce cliché mémorable. Quarante-cinq ans après, pour célébrer l’événement, la Nasa a reconstitué les événements à travers une vidéo.

    •Batterie à avaler. Pour l’heure ce n’est encore qu’un prototype, mais des chercheurs viennent de présenter une batterie comestible qui fonctionne à partir d’un pigment naturel faisant office d’anode. Préparons-nous à une nouvelle génération de médicaments capables de surveiller notre physiologie profonde.

    •Redonner vie aux dinosaures (en anglais). Que ceux qui rêvent d’un Jurassic Park grandeur nature se rassurent. Si une étude récente a révélé qu’il était impossible de récupérer de l’ADN de dinosaure suffisamment bien conservé pour recréer ces géants du passé, les chercheurs imaginent d’autres solutions. Comme l’expliquera Alison Woodward, spécialiste de l’université d’Oxford, à la télévision britannique, ils espèrent se servir des oiseaux, les derniers dinosaures vivants, pour reconstituer l’ADN de leurs ancêtres disparus en faisant faire marche arrière à l’évolution.

    •Grossesse et allergies. Les médecins ont longtemps préconisé aux femmes enceintes de ne pas consommer d’aliments hautement allergéniques, comme les cacahuètes, durant la grossesse et l’allaitement, pour éviter que le bébé n’y devienne intolérant. Belle erreur de jugement ! Une étude vient de montrer que les futures mères n’ont pas de raison de se priver, au contraire. En en mangeant, elles limitent les risques d’allergies pour leur enfant.

    •Inégaux face à la grippe. Les femmes se montrent mieux immunisées que les hommes une fois vaccinées contre la grippe. En cause : la testostérone abaisserait l’efficacité du système immunitaire. Un inconvénient masculin qui, en d’autres circonstances, se révèle avantageux…

    •Fonte de l’Antarctique (en anglais). Le satellite Cryosat vient de révéler que les glaces à l’ouest de l’Antarctique fondaient plus vite que ce qui avait été calculé en 2010. En conséquence, l’augmentation du niveau des mers serait plus importante de 15 %.

    •Robespierre reconstitué. Maximilien de Robespierre est mort sur l’échafaud le 28 juillet 1794, il y a 219 ans. Mais d’après des témoignages de l’époque conjugués à deux masques mortuaires passés au crible, un légiste français, Philippe Charlier, vient de reconstituer en 3D le visage du célèbre révolutionnaire. D’après ses analyses, en plus de la variole qu’il aurait contractée, le politicien aurait également souffert d’une sarcoïdose, maladie inflammatoire potentiellement défigurante. Ce qui expliquerait toutes les balafres…

    •Trous noirs supermassifs. Parce que le nombre, en plus de l’union, fait la force, les scientifiques invitent tous les amateurs de trous noirs à les aider à les traquer à partir des données collectées par les radiotélescopes. Pour cela une adresse : le site de Radio Galaxy Zoo.

    •Néandertal, ce grand bavard (en anglais). On dit parfois des grands singes qu’ils ne leur manquent que la parole. Et de fait, leur anatomie les empêche de posséder un langage articulé comme le nôtre. Mais l’Homme de Néandertal, lui, n’avait pas cette contrainte et comme nous disposait des moyens physiques de s’exprimer avec des mots. Doté en plus du gène Foxp2, associé à la parole, il y a fort à parier que cet hominidé possédait une langue. Et peut-être a-t-il dialogué avec les Hommes anatomiquement modernes lorsqu’ils se sont rencontrés.

    •Père Noël traqué. Il est bon de finir avec un peu de légèreté. Et Google, qu’on accuse parfois de surveiller de trop près notre vie privée, se révèle encore un peu intrusif… pour le père Noël. Le géant américain propose son système GPS pour traquer le vieux barbu, le Santa Tracker, pour savoir où il se trouve à chaque instant. Vérifiez, il pourrait bientôt s’approcher de votre cheminée…