est passée de “théorie du complot” à “théorie probable”
Longtemps dénigrée dans les médias, le scénario d'une fuite accidentelle du Covid-19 d'un laboratoire chinois est désormais considéré comme l'hypothèse la plus probable par les services de renseignements.
Par Thomas Morel – Valeurs Actuelles
8 février 2021. Un peu plus d’un an après qu’un virus découvert en Chine s’est transformé en une pandémie mondiale, Facebook annonce que tous les messages évoquant l’hypothèse d’une fuite de laboratoire comme origine du COVID-19 seront désormais interdits, et que leurs auteurs s’exposent à un bannissement du réseau social, au nom de la lutte contre les théories du complot. À l’époque — du moins à en croire la pensée unique relayée par nombre de médias autant que par les sources institutionnelles —, l’affaire semble entendue: d’origine naturelle, le covid aurait été transmis à l’homme par un animal (c’est d’ailleurs, encore aujourd’hui, l’hypothèse défendue sur Wikipédia).
"Aucun scénario basé sur une origine de laboratoire n’est crédible", affirmait Nature Medicine en 2020
L’idée d’une fuite accidentelle n’était pourtant pas incongrue: Wuhan, ville d’origine du Covid, hébergeait un laboratoire de recherche médicale de pointe sur les coronavirus, développé en collaboration avec la France mais depuis lequel très peu d’informations sortaient. Dès les premiers mois de la pandémie, en revanche, les défenseurs de la théorie d’une transmission animale s’étaient montrés nombreux et bruyants.
Début février 2020, une lettre ouverte signée de 27 chercheurs publiée dans la revue médicale The Lancet affirme "condamner fermement les théories complotistes suggérant que le COVID-19 n’a pas d’origine naturelle". Un mois plus tard, un autre article, publié cette fois dans Nature Medicine, assure qu’"aucun scénario basé sur une origine de laboratoire n’est crédible".
Début 2021, une équipe de l’OMS dépêchée en Chine arrive à la même conclusion. Et en août de la même année, un rapport du conseil américain du renseignement, remis au président Joe Biden, privilégie une infection d’origine naturelle.
Quatre ans plus tard, pourtant, l’hypothèse est de moins en moins considérée comme probable. En janvier dernier, la CIA a ainsi revu sa position, privilégiant désormais la possibilité d’une origine de laboratoire, avec un niveau de confiance jugé faible tout de même. Elle n’est pas la seule : le FBI, le département américain de l’Énergie, les services de renseignements allemands sont également parvenus à la même conclusion.
LES CURIEUSES CONFIDENCES DES CHERCHEURS
Il faut dire que, entre-temps, les textes visant à défendre la théorie de l’origine naturelle ont montré leurs faiblesses. La lettre ouverte parue dans The Lancet, par exemple, avait été pilotée par Peter Daszak, le président de l’ONG EcoHealth Alliance. Or EcoHealth entretenait des liens étroits avec le laboratoire de recherche virologique de Wuhan et avait, deux ans avant le début de la pandémie, demandé au département américain de la Défense un financement pour… modifier le code génétique de coronavirus.
L’an dernier, l’ONG a été interdite de tout financement public jusqu’en 2029 par le gouvernement Biden. Le deuxième article, publié dans Nature Medicine, s’est avéré tout aussi fragile: alors que ses cinq auteurs y affirment leur opposition à l’hypothèse de la fuite de laboratoire, leurs conversations privées, obtenues par la commission d’enquête du Sénat américain, font ressortir l’exact contraire:
"Le principal problème, c’est que la fuite accidentelle est en fait très probable, ce n’est pas une théorie marginale", écrit par exemple l’un d’entre eux; "Je n’arrive pas à imaginer un scénario naturel plausible", écrit un autre; "60-40 que ça vient du laboratoire", ajoute un troisième. Quant au rapport initial des renseignements américains, une longue enquête du Wall Street Journal a montré que les défenseurs de la théorie de la fuite de laboratoire avaient été mis sur la touche au point qu’au moment de la présentation du document au président Biden, aucun d’entre eux ne se trouvait dans la salle.
LES DIZAINES DE MILLIONS DE DOLLARS EN JEU
Qu’est-ce qui a pu pousser des scientifiques à masquer ainsi la vérité? Pour certains, il s’agissait d’une inquiétude à propos de l’impact de ces révélations: alimenter les débats autour d’une fuite accidentelle "causerait un préjudice inutile à la science en général et à la science en Chine en particulier", peut-on lire dans un échange entre les auteurs de l’article de Nature Medicine.
Pour d’autres chercheurs, en revanche, c’était aussi une question d’argent : au moment de la publication de ce même article, l’un des auteurs attendait la validation d’une subvention d’un montant de 8,9 millions de dollars de la part de l’institut américain de la santé. Pour EcoHealth, l’enjeu était encore plus évident : entre 2008 et 2024, les subventions versées par Washington dépassaient les 90 millions de dollars.
Entendons-nous bien: rien de tout cela ne permet d’affirmer avec certitude que l’une ou l’autre des théories sur l’origine du coronavirus est “la bonne”. Cela nécessiterait l’accès à des données soit cachées, soit carrément détruites par les autorités chinoises. En revanche, la dissimulation d’une hypothèse que, malgré tout, nombreux considéraient comme crédible aura durablement affecté la confiance du public dans les institutions médicales.
C’est tout le paradoxe: en voulant éviter de décrédibiliser la sciences, les scientifiques ont obtenu l’effet exactement contraire.