Lydie Montié nous donne des explications claires et précises sur la demande d’asile et lève le voile sur des réalités souvent méconnues du grand public.
Quelques extraits:
Pendant les premières années, j’ai vraiment eu l’impression que j’exerçais une mission juste et honorable. Il faut dire que, dans une très grande majorité, les personnes accueillies obtenaient le droit d’asile: elles relevaient quasiment toutes des critères établis par la Convention de Genève. Cette Convention, rappelons-le, définit le terme de réfugié dans son article 1er ; elle précise que sera reconnue réfugiée toute personne " qui craint avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques. " Il s’agit des personnes qui ont quitté leur pays de nationalité et qui, du fait de la crainte précitée, ne peuvent ou ne veulent se réclamer de la protection de ce pays. […]
Loin des idéologies et des opinions toutes faites, je ne m’en tenais qu’aux faits. Or, très vite, j’ai été surprise de constater que beaucoup de familles kosovares arrivaient de la même ville qui, je le précise, n’était pas la capitale de ce petit pays. Je trouvais curieux que ces personnes aient connaissance d’une ville de province française et y arrivent directement. Quand je les interrogeais sur leur itinéraire et sur les raisons qui les avaient emmenées jusqu’en notre région, elles avaient toutes le même discours: " c’est le passeur qui nous conduisait, mais on ne savait pas exactement où il nous emmenait… ". Les passeurs étaient, eux, parfaitement informés du parcours du demandeur d’asile en France et ils déposaient " leurs clients " devant la préfecture où les intéressés devaient se faire enregistrer comme demandeurs d’asile pour pouvoir ensuite être hébergés. Mais les Kosovars en question savaient très bien, eux aussi, où ils se trouvaient car il ne leur fallait pas beaucoup attendre avant de " rencontrer " un compatriote: cette rencontre, vous vous en doutez, ne devait rien au hasard. Il s’agissait souvent d’un membre de leur famille, frère, cousin, oncle… Pourquoi ne pas dire la vérité alors? On peut tout imaginer: liens entre réseaux de passeurs et familles installées depuis plusieurs années? Peur de représailles de la part desdits passeurs? En tout état de cause, je ressentais une certaine gêne chaque fois que je découvrais que la vérité était cachée ou transformée. […]
Il est donc mensonger d’affirmer que l’asile n’entraînerait aucun " appel d’air ". Pourtant, j’ai souvent entendu des gens soi-disant bien informés faire une telle déclaration de manière publique et d’un ton assuré… Soyons sérieux! […]
Plus grave encore, c’est le détournement pur et simple du droit d’asile: la première fois que j’ai pu faire ce constat, je dois avouer que je suis tombée de haut! Il s’agissait d’un jeune homme que des membres de sa communauté m’avaient présenté comme étant un ami. Ce soi-disant " ami ", ils l’avaient, disaient-ils, rencontré à leur arrivée en France et il les aurait aidés par sa connaissance de la langue française puisqu’il était arrivé quelques années avant eux. Bon, pourquoi pas! C’était plausible. En tous les cas, l’ami était très sympathique puisqu’il se proposait de leur servir gratuitement de traducteur lors de leur entretien avec leur avocat. Oui, les personnes en question avaient été déboutées du droit d’asile par l’OFPRA et elles avaient fait appel devant la Cour nationale du droit d’asile. Elles avaient donc trouvé un avocat qui avait d’ailleurs si bien défendu leur dossier que la Cour a annulé la décision négative de l’Office et leur a reconnu la qualité de réfugié, ce qui a eu pour effet de les autoriser à séjourner en France avec tous les droits attachés à leur nouveau statut. […]
Pourtant, d’autres déceptions m’attendaient. Quelques mois plus tard, dans cette même communauté, il y a eu un cas bien plus grave. Un homme avait obtenu l’asile sur un motif politique, disant qu’il avait été persécuté dans son pays par le gouvernement en place. Or, il y a eu, peu de temps après, un changement de régime dans le pays et c’est donc son parti politique qui était sorti vainqueur des élections. Cet homme n’est pas, pour autant, retourné dans " sa chère patrie " où il ne craignait plus rien mais qui ne lui manquait manifestement pas. On peut d’ailleurs remarquer qu’aucune autorité française ne le lui a demandé! Mais, ce qui est le plus hallucinant c’est que, quelques mois plus tard, son propre frère est arrivé en France sous un faux nom, se faisant passer pour une personne d’un bord politique différent de celui auquel il appartenait et il a également demandé l’asile pour motif politique… […]
Je me souviens aussi d’une femme de nationalité algérienne qui venait d’arriver en France pour demander l’asile et à qui j’avais demandé comment elle se trouvait dans le quartier puisqu’elle était hébergée dans notre CADA. Sans aucune hésitation, elle m’a répondu: "Ah, c’est comme là-bas!
"Vous avez bien compris que "là-bas" désignait son pays, l’Algérie!
Comment en était-on arrivé là? Comment avait-on pu accepter que des résidents qui avaient sans aucun doute obtenu depuis longtemps la nationalité française ne parlent toujours pas français? […]