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technique - Page 5

  • Les promesses de la télépathie électronique pour lutter contre le handicap

    Les promesses de la télépathie électronique pour lutter contre le handicap

    La télépathie électronique, qui permet de faire bouger par la pensée, via des électrodes, des membres paralysés de personnes handicapés, donne de grands espoirs. Elle devrait permettre, à terme, de lutter contre la tétraplégie et les amputations.

    Atlantico : Récemment, un singe s'est montré capable de déplacer le bras d'un autre singe, simplement par la pensée. Quel est le processus mis en œuvre? Comment fonctionne le dispositif électrode-ordinateur qui a permis de traduire les pensées du singe "maitre" et d'actionner le bras du deuxième singe?

    Fabrice Papillon : L'expérience, menée par une équipe américaine de l'Université Cornell (et publiée dans la revue Nature Communications) met en présence deux macaques rhésus et un ordinateur. L'idée était la suivante : prouver que le cerveau, par la seule pensée, pouvait contrôler un membre inerte, paralysé, alors que toute communication "physique" (par les nerfs, les muscles) était impossible. Mais au lieu de tout faire avec un seul singe, handicapé, ils ont préféré 2 singes pour une démonstration plus probante. Le premier singe se trouvait face à un écran d'ordinateur. Son cerveau a été muni d'électrodes, pour capter ses ondes cérébrales. Celles-ci étaient ensuite interprétées par un puissant logiciel, pour en tirer les intentions du singe (ses souhaits, les actions qu'il voulait réaliser, etc.). Ensuite, à l'autre bout, un câble était relié à un second singe dont le bras était complètement paralysé (à la suite d'une anesthésie). Pour être précis, le câble était relié à la moelle épinière, dans la colonne vertébrale, dont le rôle est de transmettre les impulsions nerveuses aux muscles. Le résultat est stupéfiant : dans 82% des cas, lorsque le premier singe "pensait" mettre un curseur au cœur d'une cible, sur son écran d'ordinateur, ses intentions étaient interprétées par le logiciel, via ses électrodes, et transmises à la moelle épinière du deuxième singe. Celui-ci saisissait alors un joystick, comme dans un jeu vidéo, et déplaçait le curseur pour le mettre au cœur de la bonne cible ! La pensée du premier singe était donc transmise, via un logiciel et un câble, au bras du second singe qui agissait pour lui ! Et cela s'est reproduit plus de 8 fois sur 10… Sans compter que les scientifiques ont même inversé les rôles plusieurs fois : le singe "maître" est devenu le singe "exécutant" et vice-versa. Et les résultats étaient tout aussi impressionnants.

    Qu'est-ce que cela implique pour l'avenir? Verra-t-on des prothèses animées par la pensée? Quelles sont les applications que nous serions en mesure de concevoir, si tant est qu'une telle prouesse technique soit possible pour des humains?

    Bien sûr, l'idée est de réussir la même prouesse chez un seul et même singe et, à terme, chez l'homme. Prenons le cas d'une personne tétraplégique, totalement paralysée à la suite d'un grave accident par exemple. En général, sa paralysie provient d'une section de la moelle épinière, dans sa colonne vertébrale. L'idée, on le voit, serait de relier son cerveau (via des électrodes) à un ordinateur qui interpréterait ses pensées, puis, grâce à un câble relié à la moelle épinière sous le point de rupture du à l'accident, de transmettre les impulsions nerveuses aux muscles pour lui permettre d'utiliser ses membres ! Il s'agirait donc de "by-passer", court-circuiter la moelle épinière et les longs axones neuronaux (les longues tiges de nos neurones neuromoteurs qui se prolongent du cerveau vers les muscles à travers la moelle épinière) pour transmettre de manière artificielle des informations nerveuses et musculaires. Bien sûr, une telle perspective est très lointaine. Plus proche de nous, une équipe franco-japonaise que je connais bien, met au point une technique peut-être moins complexe, moins lointaine, mais tout aussi stupéfiante. L'équipe du Pr Abderrhamane Kheddar, près de Tokyo, au Joint Robotics Laboratory (laboratoire mixte CNRS ? AIST), a réussi par le même type de dispositif à traduire la pensée d'un homme (un étudiant, pour l'expérience) par un robot humanoïde. En substance, l'étudiant, équipé d'électrodes, regardait un verre parmi d'autres sur une table ; le logiciel interprétait sa pensée et le robot saisissait le bon verre !

    Le robot n'était pas capable de "voir", bien sûr, les yeux de l'étudiant se poser sur le verre. Il recevait simplement l'interprétation des ondes cérébrales, et donc l'ordre de saisir ce verre et pas un autre. L'étape d'après consistera à saisir l'intention qui en découle : tendre le verre à l'étudiant pour qu'il boive… Dans ce cas comme dans celui des singes, il s'agirait d'une révolution pour les personnes tétraplégiques ou très handicapées : elles pourraient être assistées, grâce à l'informatique, dans leur vie quotidienne. Leur pensée serait traduite en actes par des robots, ou leurs propres membres.

    Quelles seront véritablement  les "modalités d'utilisation"?  En termes de sensations, cela ressemblera-t-il aux sensations naturelles?

    Dans le cas des singes, il est très difficile de répondre à cette question. Il faudra interroger les premiers vrais patients humains qui en bénéficieront, et diront ce qu'ils ressentent. Il existe, on le sait, des phénomènes du type "membre fantôme" chez les personnes handicapées (sensation d'un membre amputé par exemple). Il est donc possible que des sensations soient reconstituées par le cerveau qui verra les membres agir, malgré la paralysie. Il pourrait même exister, à terme, une boucle de "rétroaction" capable de renvoyer, dans l'autre sens, des informations sensorielles au cerveau pour lui restituer les sensations dues au mouvement, ou au toucher, malgré la déconnexion physique des membres et du cerveau.

    Les cerveaux des singes et les notre ne sont vraisemblablement pas composés de la même façon. Pourrait-on assister à une forme de rejet, comme dans le cadre d'une greffe? Quels peuvent être les risques pour l'Homme?

    Non, en l'espèce, aucun rejet possible, puisqu'il ne s'agit pas de greffer des organes vivants provenant d'un donneur différent du malade. Il s'agit plutôt d'équiper des malades de simples électrodes et de fils, tous "biocompatibles" et donc acceptés par l'organisme, pour leur permettre de réaliser des tâches avec leurs propres membres. Certaines expériences proches ont été réalisées, et notamment en France, avec le Pr Rabischong et son programme "Lève-toi et marche" : une personne en fauteuil roulant, Marc Merger, a pu remarcher grâce à des électrodes reliant son abdomen à ses jambes (écouter ici à ce sujet, le très récent documentaire de France Culture (émission "Sur les docks") qui revient sur cette aventure). La contraction de l'abdomen transmet des ondes électriques aux muscles qui se contractent, créant donc là encore un "by-pass" de la moelle épinière. Cette expérience, comme nous le montrons dans l'un de nos films ("Les patients de l'espoir", réalisé par Emmanuel Descombes, France 3, 2010) n'a malheureusement pas pu être reproduite sur une jeune patiente belge, malgré plusieurs tentatives. Mais c'est techniquement possible. S'il s'agit de personnes amputées, il faudra ajouter de vraies prothèses "bioniques", qui remplacent une main, un bras ou une jambe disparus. Et là, le mythe de Steve Austin, "L'homme qui valait 3 milliards", deviendra réalité !

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  • Des robots bâtisseurs inspirés du comportement des termites

    Des robots bâtisseurs inspirés du comportement des termites

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    © Photo Eliza Grinnell / Université Harvard

     

     

    Construire une structure aussi complexe qu'une cathédrale ou une pyramide égyptienne sans qu'un maître d'oeuvre donne une instruction aux ouvriers, et même sans que ces derniers communiquent entre eux, a, à première vue, tout d'une utopie. Pourtant, si l'usage n'est pas de règle dans les communautés humaines, les exemples dans le règne animal foisonnent. Chez les insectes sociaux, tels que les abeilles, les fourmis ou encore les termites, la reine ne donne jamais d'instruction aux ouvrières de la colonie, qui s'avèrent pourtant des championnes en matière de productivité. Partant de ce constat, une équipe pluridisciplinaire de chercheurs de l'école d'ingénierie de l'université de Harvard, aux États-Unis, est parvenue à mettre au point des robots constructeurs autonomes et redoutablement efficaces. Ils ont singé le comportement du termite...

    Lorsque qu'une colonie de termites fabrique sa "ô combien" complexe termitière, ses membres utilisent une stratégie de communication indirecte baptisée stigmergie. C'est-à-dire que, pour savoir ce qu'ils ont  à faire, ils observent et analysent les changements de l'environnement opérés par les membres de leur tribu, et s'y adaptent. Par exemple, quand l'ouvrier termite confectionne sa boulette de terre, brique de construction élémentaire, il y incorpore des phéromones qui vont attirer les autres bâtisseurs de sorte que ceux-ci viendront naturellement y déposer leur propre boulette. Et, peu à peu, un édifice complexe va surgir sans même que les termites en aient "discuté" entre eux.

    Intelligence collective

    De la même façon, les robots "Termes" créés par l'équipe de Harvard, qui ont récemment fait la une du magazine Science, sont capables de bâtir des structures complexes en trois dimensions telles que des modèles réduits de château ou de pyramide, sans aucun pilotage centralisé. Ces robots miniatures, qui mesurent moins d'une vingtaine de centimètres, ont certes tous été programmés pour fabriquer le même édifice, mais chacun n'effectue que des tâches simples du type avancer, reculer, tourner à angle droit, éviter les collisions, grimper sur une brique, porter et déposer leur brique selon un plan établi et au regard du travail déjà effectué. Un comportement basique d'où émerge pourtant une sorte d'intelligence collective.

    Ainsi, lorsqu'on leur demande de construire une réplique de la pyramide maya de Chichén Itzá, dont l'original se trouve au Mexique, ils commencent spontanément par bâtir une sorte d'escalier qui leur permet ensuite de mettre en place plus facilement le reste de la structure. Et si un quelconque obstacle conduit à modifier les plans, encore une fois, ils s'y adaptent.

     

    Leur principal atout est qu'ils n'ont pas d'ordre à recevoir, ce qui signifie également qu'ils ne sont pas dépendants d'un système de communication pour fonctionner. Autrement dit, on pourrait très bien les déposer sur Mars et leur laisser bâtir une base sans avoir pratiquement à intervenir.

  • La voiture volante d'un Toulousain est sur le point de décoller

     

    Un ingénieur toulousain prévoit de commercialiser une voiture volante avant la fin de la décennie. Motivé comme jamais, Michel Aguilar espère révolutionner la circulation de demain.

    La frontière entre l’imaginaire et la réalité est parfois infime. Depuis 2007, un ingénieur toulousain s’est lancé dans le pari fou de créer la première voiture volante. Grâce aux compétences acquises dans sa carrière, il peut concrétiser son rêve d’enfant.

     "Lorsque j’étais gamin j’étais abonné à Spirou et Fantasio. Très vite j’ai été captivé par la voiture du professeur Zorglub, la Zorglub Mobile, prototype de voiture volante", confie, un brin nostalgique cet ancien ingénieur du centre DGA Techniques Aéronautiques désormais à la tête de Xplorair. À la lecture de ces lignes, "la génération 80" fera certainement le parallèle avec les modèles aperçus dans la trilogie "Retour vers le futur", chef-d’œuvre cinématographique des années quatre-vingts. S’il avoue s’en être inspiré, il ne faut pas se tromper. L’aéronef du futur ressemble plus à un avion biplace qu’à ces voitures volantes qui carburaient aux déchets en tout genre. "L’aéronef s’apparente plus à un avion. Mais j’avoue que certains films m’ont inspiré.

    Un projet validé par le CNRS

    Du coup, on essaie de le faire marcher avec du méthane ou du carburant bio. Il est évident qu’il faut prendre en compte les éléments environnementaux", estime de nouveau celui qui vient tout juste de souffler ses soixante-quatre bougies.

     "À la fin de l’année 2013, le thermo-réacteur a été validé par un grand laboratoire du CNRS et un grand motoriste français", précise Michel Aguilar. Si le projet paraît incroyable, il n’en demeure pas moins réaliste. En effet cet ancien pensionnaire de la DGA a tout prévu : "Je peux déjà vous dire que ce biplace ne volera pas au-delà de 3 000 mètres d’altitude. Au sujet de l’environnement, même si je ne m’en occupe pas, je pense qu’il est possible d’imaginer une station de ravitaillement volante. Cette dernière pourrait tenir en impesanteur avec des ballons", imagine une nouvelle fois ce visionnaire. Pour lui, le fonctionnement de ce véhicule volant est simple. "Il décolle à la verticale et peut aller jusqu’à deux cents kilomètres/heure", s’enthousiasme-t-il, avant de conclure : "Concernant les pannes de carburant, elles sont interdites puisque l’on est prévenu bien avant. En plus, l’Aéronef peut se poser n’importe où. Si on arrive à le commercialiser, ce sera une grande avancée" !

    Le chiffre : 2017 - Xplorair ne se laisse que trois petites années avant de faire une démonstration au salon du Bourget. Le prix de ce drone pour particulier devrait s’échelonner entre 50 000 et 100 000 €

    La Chine en Pole

    En dehors de la machine elle-même, plusieurs facteurs doivent être pris en compte. Notamment celui de l’aménagement des routes, secteur qui engendrera beaucoup de travaux. "Pour le moment les Européens ne sont pas trop partants. En effet, ici les infrastructures sont trop avancées et ont demandé trop d’investissements pour les abandonner", confie le directeur de Xplorair. Pour cette raison, il compte se tourner vers des pays plus aptes à faire évoluer leurs voies de communication. "La Chine est intéressée. Ils ont compris l’intérêt de réduire les coûts d’infrastructures. Ils sont plus malins. Je dois avouer que ce sont eux qui me suivent le plus", conclut-il

     

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  • Peau foncée et yeux bleus, le portrait-robot d'un homme du Mésolithique révélé

    Peau foncée et yeux bleus, le portrait-robot d'un homme du Mésolithique révélé

    Le portrait-robot d'un homme du Mésolithique, vivant il y a 7 000 ans en Espagne, révèle des caractéristiques physiques étonnantes, à commencer par une peau foncée et des yeux bleus.

    Le portrait-robot de La Brana 1 a été réalisé à partir de l'ADN particulièrement bien conservé des deux squelettes découverts par hasard dans la province de Leon, au nord-ouest de l'Espagne, en 2006. Photo : CSIC

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    Plutôt bel homme, un brun hipster. Le portrait-robot d'un homme du Mésolithique, vivant en Espagne il y a 7.000 ans, est assez éloigné de la représentation habituellement faite de nos ancêtres préhistoriques. Publié par la revue Nature, ce portrait a été établi par une équipe de chercheurs de l'Institut de Biologie évolutive de Barcelone, menée par Carles Lalueza-Fox, qui a séquencé pour la première fois le génome complet d'un chasseur-cueilleur européen.

    Une performance scientifique réalisée à partir d'une dent trouvée sur l'un des deux squelettes découverts dans la grotte de La Brana-Arintero, dans la province de Leon (nord-ouest de l'Espagne), en 2006. Contre toute attente, l'ADN de cet homme révèle des caractéristiques originales. Ainsi, il aurait eu la peau foncée, les cheveux bruns et des yeux bleus.

    Des caractéristiques proches des Européens du Nord

    "Ce phénotype rare n'existe pas dans les populations européennes contemporaines", a précisé Carles Lalueza-Fox. L'étude des caractéristiques de l'individu de La Brana a montré qu'il était génétiquement éloigné des populations européennes actuelles, mais pouvait être rapproché des caractéristiques génétiques des Européens du Nord d'aujourd'hui, tels que les Suédois ou les Finlandais.

    "Jusqu'à maintenant, on considérait que la couleur de peau claire avait évolué assez tôt en Europe, au Paléolithique supérieur, en lien avec les faibles rayonnements UV à haute latitude", a expliqué le directeur de recherches. "Mais ce n'est clairement pas le cas. Cette évolution est intervenue beaucoup plus tard, probablement au Néolithique (il y a entre 11 000 et 5000 ans, ndlr)", selon lui.

    Une évolution qui peut être liée au changement de régime alimentaire. L'individu de La Brana était ainsi porteur d'une variation génétique ancestrale produisant une intolérance au lactose. Pas de lait, donc, contrairement aux éleveurs qui apparaissent progressivement, et sans doute peu de céréales en raison d'une inadaptation génétique à un régime riche en amidon, selon les chercheurs. Une hypothèse à modérer néanmoins, puisque l'étude de l'ADN de cet homme a révélé qu'il possédait déjà des caractéristiques génétiques, lui offrant une certaine forme de résistance, présentes chez les Européens modernes.

  • Prendre son pied (de mouche)

    D’où vient le pied-de-mouche ?

    L’origine du symbole ¶, que l’on nomme « pied de mouche », est bien plus ancienne qu’on ne le croit. Par Guillaume Nicoulaud.

    Vous avez sans doute remarqué qu’à la fin de chaque paragraphe, votre logiciel de traitement de texte affiche – pour peu que vous n’ayez pas désactivé l’option idoine – le symbole : ¶

    On l’appelle pied-de-mouche et, comme nous allons le voir ci-après, son origine est bien plus ancienne qu’on ne le croit. Voici ce à quoi ressemblait la transcription d’un discours prononcé par l’empereur Claude devant le Sénat romain en 48 (i.e. Table claudienne) :

    TOT.ECCE.INSIGNES.IVVENES.QVOT.INTVEOR.NON.MAGIS.SVNT.PAENITENDI.

    SENATORES.QVAM.PAENITET.PERSICVM.NOBILISSIMVM.VIRVM.AMICVM.MEVM.INTER.IMAGINES.

    MAIORVM.SVORVM.ALLOBROGICI.NOMEN.LEGERE.QVOD.SI.HAEC.ITA.ESSE.CONSENTITIS.QVID.

    VLTRA.DESIDERATIS.QVAM.VT.VOBIS.DIGITO.DEMONSTREM.SOLVM.IPSVM.VLTRA.FINES.

    PROVINCIAE.NARBONENSIS.IAM.VOBIS.SENATORES.MITTERE.QVANDO.EX.LVGVDVNO.HABERE.

    NOS.NOSTRI.ORDINIS.VIROS.NON.PAENITET.TIMIDE.QVIDEM.P.C.EGRESSVS.ADSVETOS.

    FAMILIARESQVE.VOBIS.PROVINCIARVM.TERMINOS.SVM.SED.DESTRICTE.IAM.COMATAE.

    GALLIAE.CAVSA.AGENDA.EST.IN.QVA.SI.QVIS.HOC.INTVETVR.QVOD.BELLO.PER.DECEM.

    ANNOS.EXERCVERVNT.DIVOM.IVLIVM.IDEM.OPPONAT.CENTVM.ANNORVM.IMMOBILEM.

    FIDEM.OBSEQVIVMQVE.MVLTIS.TREPIDIS.REBVS.NOSTRIS.PLVS.QVAM.EXPERTVM.

    Bref, il était grand temps d’inventer la ponctuation, d’insérer des espaces entre les mots, de clore les phrases par des points, de les rythmer à coup de virgules et de trouver un moyen de signaler au lecteur qu’à partir d’un point donné du texte, on change d’idée.

    Découper un texte par idée, justement, c’est la fonction de ce que nous appelons aujourd’hui un paragraphe, du grec paragraphos (παράγραφος), un signe en marge du texte dont l’utilisation est attestée dès le IVe siècle avant J.-C. et qui servait principalement à signaler un changement de sujet.

    De nos jours, nous matérialisons le passage d’un paragraphe à un autre par un saut de ligne. Seulement, pour nos ancêtres qui vivaient à une époque où le papier ou ce qui en tenait lieu (papyrus, parchemin &c.) coûtait fort cher, cette méthode n’était pas sans inconvénients ; raison pour laquelle les scribes, copistes et autres imprimeurs couchaient généralement leurs textes en pavés aussi serrés qu’ils étaient indigestes. Typiquement, la deuxième page du Pantagruel de François Rabelais (édition Claude Nourry, c.1530), ressemblait à ceci :

    pantagruel

    C’est à Rome que va commencer l’histoire de notre pied-de-mouche ; lorsque certains auteurs – Cicéron par exemple – vont prendre l’habitude d’inscrire un K pour signaler au lecteur qu’ils changent d’idée ; K pour kaput, la tête, et son diminutif capitulum, la « petite tête » ou, plus communément, le chapitre qui sera identifié par un C. Petit à petit, la préférence des latinistes pour le C romain par rapport au K étrusque va faire son œuvre et, vers le XIIe siècle, le premier l’emportera définitivement sur le second.

    Ce sont les moines copistes qui vont terminer le travail en rajoutant une ou deux barres verticales à ce C afin de le distinguer du reste du texte et qui vont en colorier l’intérieur pour qu’on le repère plus facilement. Le résultat, vous le trouverez notamment dans la Somme théologique de Saint Thomas d’Aquin (1477) :

     

    summa

    Ou, pour ne pas être injuste avec le typographe de l’œuvre pantagruélique de Rabelais :

    rabelais

    À partir du XVIe siècle, avec la généralisation de l’imprimerie, le pied-de-mouche va progressivement tomber en désuétude et être remplacé par retours à la ligne et autres alinéa. En 1825, Henri Fourier note dans son Traité de typographie que « le pied-de-mouche se plaçait en tête d’une remarque qu’on voulait détacher du corps de l’ouvrage » et qu’on « s’en servait plus particulièrement pour les livres de droit. » Il est probable qu’au cours de ces deux siècles qui sont aussi ceux où les langues vulgaires ont supplanté le latin, le C de capitulum ait subit sa dernière transformation en devenant une sorte de P (pour paragraphe) que l’on plaçait plutôt en fin de texte, comme pour justifier qu’il soit inversé.

    Eric Gill, un sculpteur britannique par ailleurs créateur de plusieurs polices de caractère (Perpetua par exemple), a bien tenté de remettre le pied-de-mouche au goût du jour dans An Essay on Typography (1931) mais sans succès et ce sont finalement les concepteurs de nos logiciels de traitement de texte moderne qui lui ont donné une nouvelle vie en faisant de lui ce fantôme, ce caractère invisible qui marque la fin de nos paragraphes mais n’est plus imprimé.

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    Eric Gill, An Essay on Typography (1931)

    Sur le web.

    Notes :

    En anglais, le pied-de-mouche se nomme pilcrow ; selon Keith Houston, ce serait-là une déformation du moyen anglais pylcrafte qui serait lui-même une déformation de notre paragraphe.

    Si vous lisez l’anglais, Shady Character a publié une série de trois articles très fouillés sur le sujet (le premier, le le second et le troisième).