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Opinions - Page 128

  • Singularité technologique: l’avenir de l’humanité ?

    Le concept de "singularité technologique" décrit un instant qui inscrit une rupture d’échelle dans l’évolution de notre progrès technologique.

    Par Thierry Berthier.

    Le développement exponentiel des nouvelles technologies (information, nano-, quanto-, bio-…) et leur rapide convergence, réactivent les concepts profonds et anciens de transhumanisme ou posthumanisme et nous interrogent sur nos capacités d’accès à un événement essentiel que l’on nomme "Singularité Technologique"

    Qu’entend-t-on par singularité ?

    Ce terme fait clairement référence à la singularité gravitationnelle engendrée par un trou noir en cosmologie et à la notion connexe de déformation puis de discontinuité de l’espace-temps aux abords immédiats de ce trou noir.

    À compter de cette date ou de cet événement, notre croissance technologique changera brusquement d’échelle, de plusieurs ordres vers le haut, le progrès, les découvertes scientifiques seront le fruit de forces et d’énergies non humaines ou posthumaines, issues de l’intelligence artificielle (IA).

    Cette notion de singularité a été introduite au début des années 1950 par le mathématicien John Von Neumann[1] puis développée durant les années 1960 par Alan Turing[2] et Irving John Good[3]. Elle a inspiré de nombreux scientifiques comme Carl Sagan[4] et de nombreux auteurs de science-fiction durant ces trente dernières années. Elle se réactive régulièrement lors d’annonces d’innovations technologiques majeures (robotiques, biotechnologiques ou autres).

    Entre débats sérieux et projets insensés

    Aujourd’hui, cette notion de singularité alimente débats, fantasmes sectaires et projets, des plus insensés aux plus sérieux. En 2008, une Université de la Singularité a été créée en Californie par Ray Kurzweil[5] et Peter Diamantis avec le soutien massif de Google, Nokia, Cisco, Autodesk, de la NASA, et de l’administration américaine. L’esprit de cette université tient en un tweet : " Be prepared to learn how the growth of exponential and disruptive technologies will impact your industry, your company, your career, and your life ". Ses moyens financiers sont presque sans limite, à l’image de la puissance des lobbies qui agissent à l’origine de cette création…

    Deux questions principales s’imposent alors :

    1 – La singularité surviendra-t-elle un jour ?

    2 – Si oui, en sommes-nous loin, ou au contraire tout proche ?

    La première question est évidemment la plus profonde des deux. Elle se reformule, tantôt comme une prophétie positive et argumentée, tantôt comme une interrogation formelle indécidable par nature. Pour l’aborder sereinement, il faut en premier lieu évoquer une nouvelle singularité, symétrique de la première qui pourrait s’appeler " singularité d’extinction " ou régressive en termes de progrès. Elle représente l’instant potentiel à partir duquel notre civilisation effectue un bond en arrière majeur à l’échelle planétaire : ce brusque saut peut se produire par exemple à la suite d’un impact météoritique avec un géocroiseur massif (non détourné par l’homme et sa technique) de l’orbite terrestre.

    Au-delà d’une certaine masse, il est prouvé que cet impact serait totalement destructeur pour la vie humaine et animale, nous ramenant ainsi quelques millions d’années en arrière… et repoussant d’autant la date de notre seconde singularité ; le " nous " employé étant celui des bactéries ou insectes survivants. Il est illusoire de discuter d’une singularité sans évoquer sa forte dépendance à la réalisation ou non de sa symétrique. (Ceci revient d’ailleurs à ne pas oublier le septième terme dans l’équation de Drake : celui indiquant la durée de vie moyenne d’une civilisation.)

    Un argument classique pouvant être objecté ici, consiste à penser qu’au-delà d’un certain niveau de maturité technologique, les risques d’extinction de l’espèce s’éloignent, sachant que l’IA saura mettre en œuvre les contre-mesures appropriées et efficaces pour dissiper les menaces futures. Je pense qu’il s’agit plus d’un optimisme béat que d’une bienveillance naturelle du système…

    L’homme, depuis sa naissance, baigne dans "l’aléatoire sauvage" et de ce fait subit constamment l’assaut des événements rares, imprévisibles et surpuissants. Ces événements rares, imprévisibles, inédits et surpuissants sont appelés " cygnes noirs " par Nassim Nicholas Taleb[6], écrivain et philosophe des sciences du hasard (très lu par les financiers en quête de modèles nouveaux et distincts de l’obsolète standard gaussien). Une des idées phares de Taleb est que l’expérience passée n’apporte malheureusement aucune information exploitable concernant la réalisation ou non d’événements inédits a priori très peu probables mais d’impact majeur sur l’évolution du système.

    Taleb a construit et calibré sa théorie à partir de son expérience de trader des marchés financiers durant les années 1980-90 et de son enfance puis adolescence marquée par la guerre du Liban. Les crachs boursiers (celui de 1929, de 1987, puis la crise que l’on connaît aujourd’hui) sont ses premiers cygnes noirs, les conflits armés, insurrections, révoltes, attentats en sont d’autres à ses yeux, obéissant aux mêmes fluctuations du hasard. Cette vision de la force de l’aléatoire est un frein considérable à la construction de prévisions ou de prédictions fondées. Les cygnes noirs de Taleb nous mettent en garde contre toute arrogance prédictive et nous réduisent de fait aux simples techno-prophéties…

    On comprend alors que pour étudier l’éventualité de l’émergence d’une singularité technologique, il est nécessaire d’y inclure l’aléa des cygnes noirs : cette dose d’aléatoire présente à toute échelle, imprégnant chacune des strates poreuses de notre évolution technologique. C’est elle qui est à l’origine des bonds et discontinuités ou des périodes de pause constatées tout au long de notre marche vers le progrès. Enfin, c’est peut-être elle qui constituera l’amorce ou le germe de notre singularité vue à son tour comme le cygne noir essentiel de notre évolution.

    Les arguments en faveur de la singularité

    Maintenant que le paysage aléatoire est en place, il est possible " d’empiler " certains arguments en faveur de l’avènement d’une singularité technologique :

    ◾Le caractère exponentiel de l’évolution technologique est un premier indicateur d’accélération systémique : il suffit de mesurer et comparer les acquis humains à l’échelle du millénaire, du siècle, puis sur dix ans et de constater le gradient !

    ◾La convergence rapide de grands territoires de la pensée humaine : mécanique quantique, théories de l’information et de la complexité, intelligence artificielle, astrophysique, sciences cognitives, biologie, philosophie, sociologie, économie et finance. La partition initiale n’existe plus : les savoirs spécifiques circulent et se diffusent, d’un domaine vers un autre, interagissant et modifiant sans cesse les lignes de perception des thématiques classiques.

    ◾Le web en tant qu’émergence d’une structure globale issue d’une multitude d’interactions locales : Internet peut être vu comme un graphe dynamique dont les sommets sont les pages web et les arêtes, les liens html liant ces pages. Ce graphe planétaire évolue en temps réel ; à chaque instant, des pages disparaissent, d’autres sont créées, des liens apparaissent, d’autres s’effacent, des topologies se forment et se transforment à l’image d’une entité biologique et des cellules qui la composent. Le transfert massif de l’information humaine vers internet, son stockage, son traitement, sa hiérarchisation via les moteurs de recherche constituent certainement les premiers pas vers notre singularité, si elle doit avoir lieu.

    ◾La fusion homme-machine ou le concept de transhumanisme (qui a débuté dès 1958 avec le premier pacemaker implanté) modifie profondément notre rapport au corps[7]. Que ce soit dans un but de simple remplacement de l’organe malade ou dans celui d’augmentation des capacités de l’organe sain, la manipulation nous interroge sur notre propre identité : à partir de quel niveau de transformation passe-t-on du statut d’homme à celui de trans-humain ? Est-il légitime de retarder notre vieillissement et notre mort? Peut-on "s’augmenter sans se perdre?" Là encore, cette thématique renforce au premier rang le concept de singularité.

    Imaginons maintenant la convergence et l’évolution des quatre arguments que l’on vient de déployer. Nous nous situons bien sûr dans un futur qu’il n’est pas possible de préciser davantage.

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  • Changement climatique? Finalement c’est bien le Soleil…

     

    De nouvelles recherches sur le climat tendraient à minorer le rôle de l’homme dans le réchauffement de la planète.

    Par jacques Henry.

    Réchauffement climatique (Crédits : René Le Honzec/Contrepoints.org, licence Creative Commons)Voilà enfin avancée une preuve irréfutable que c’est bien le Soleil qui commande les fluctuations climatiques que connait la Terre, et non l’activité humaine. Il était temps que des universitaires démontent le mythe du réchauffement climatique anthropogénique inspiré par les pseudo-scientifiques irresponsables du GIEC, cette émanation des Nations-Unies, organisation dont on peut de plus en plus douter de l’utilité. Car, tout de même, que fait cette organisation à propos des événements regrettables du moment, Irak, Israël, Ukraine, Somalie ou encore Nigeria ? Rien, sinon financer des apprentis climatologistes qui répandent l’heuristique de la peur, des idéologues qui veulent que le monde d’hier devienne la réalité de demain (un propos emprunté à Michel Onfray à propos de Hans Jonas).

    Du nouveau sur le réchauffement climatique

    Bref, toute cette entrée en matière pour dire que cet article paru dans Nature risque de faire grand bruit parce qu’il remet en cause les théories extravagantes clamées à grands coups de prix Nobel (Al Gore et le GIEC) et de déclarations tonitruantes des ONG du genre Greenpeace et autres WWF ou Sierra Club pour répandre la peur planétaire d’un hypothétique réchauffement climatique.

    Je m’explique: quand le soleil fait une petite sieste, comme par exemple entre deux cycles d’activité, celle-ci dure environ 11 ans. Le flux des particules émises par le soleil en direction de la Terre diminue d’intensité et donc le champ magnétique terrestre protège moins bien l’atmosphère des rayons cosmiques galactiques. Tout cela à cause des hautes couches de l’atmosphère alors moins ionisées. C’est un peu vite dit, mais c’est à peu près comme ça que les choses se passent. Les rayons cosmiques pénètrent alors mieux dans les profondeurs de l’atmosphère et vont bombarder des atomes d’oxygène ou d’azote pour former un isotope du béryllium, le Be-10, qui se désintègre en bore avec une période de demi-vie de 1,38 million d’années. C’est ultra-pratique pour reconstituer l’activité solaire passée, puisque plus il y a de Be-10, moins le Soleil était actif. On peut dès lors reconstituer les variations d’activité du Soleil sur de longues périodes passées. Même chose pour le carbone-14, radioactif aussi, qui se forme également dans l’atmosphère naturellement par bombardement des atomes d’azote par les rayons cosmiques. Ce carbone se retrouve dans les arbres et les carbonates comme ceux des stalagmites.

    Il y a enfin un autre " proxy " pour étudier les variations de l’activité solaire qui dépend cette fois de la température : c’est l’abondance relative de l’isotope naturel 18 de l’oxygène, non radioactif, qui est 12,5% plus lourd que l’isotope du même oxygène le plus abondant, l’oxygène-16. Quand l’eau des océans s’évapore sous l’action du Soleil, celle constituée d’oxygène-18 s’évapore moins vite parce que plus lourde et la différence de teneur entre ces deux isotopes dans les stalagmites, par exemple, permet de reconstituer l’activité solaire passée.

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    L’activité solaire de ces vingt mille années passées

    C’est ce qu’a fait avec des précautions extrêmes une équipe de géophysiciens de l’Université de Lund en Suède en rapprochant les trois observations, béryllium-10, carbone-14 et oxygène-18. Ils ont ainsi reconstitué l’activité solaire au cours des vingt mille années passées, analysé les données obtenues avec le carottage de la glace du Groenland, et rapproché ces dernières des analyses de concrétions calcaires provenant d’une grotte chinoise. Les résultats ont permis d’établir une parfaite corrélation entre l’activité solaire et les subtiles variations climatiques observées et révélées par l’analyse fine des carottes glaciaires permettant de remonter aux variations climatiques se matérialisant par les précipitations neigeuses et leur abondance.

     

     

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    Durant la période glaciaire dite du Würm, s’étalant entre 26000 et 13000 ans avant notre ère, le climat ne fut pas toujours très très froid. Il y eut des épisodes relativement plus chauds, et l’activité solaire y est directement pour quelque chose. L’étude dirigée par le Professeur Raimund Muscheler a permis de préciser ce qui pouvait se passer au niveau atmosphérique pour expliquer l’abondance des chutes de neige au Groenland durant cette période. Au Groenland, mais pas seulement. Toute la région euro-américaine de l’hémisphère nord sous l’influence de l’océan Atlantique également, lui-même, on peut le comprendre aisément, sous l’influence de l’activité solaire et de ses variations cycliques, en particulier le cycle dit de " de Vries " d’une durée moyenne de 207 ans.

    Il a été ainsi possible d’aboutir à une modélisation de ce qui a pu se passer au niveau de l’Océan Atlantique pour influer sur l’intensité des chutes de neige au Groenland avec la persistance d’un anticyclone situé au-dessus du pays : un régime de vents d’ouest dominants pénétrant l’Afrique et apportant de l’humidité depuis l’océan, (le Sahara à l’époque était une vaste prairie), et un vent froid arrivant sur l’Europe du Nord favorisant le maintien de véritables calottes glaciaires en Scandinavie atteignant le nord de l’Allemagne. L’Écosse était recouverte d’un immense glacier.

    L’épisode glaciaire du Würm vit le niveau des océans baisser de plus de 130 mètres, ce qui facilita les migrations humaines d’Asie vers l’Amérique du Nord. Cet événement s’explique parfaitement par les variations de l’activité solaire dont on ignore toujours les raisons sur le long terme mise à part l’hypothèse d’un effet de marée de Jupiter et de Saturne sur l’activité solaire interne.

    En effet, une année jupitérienne dure 11 ans. Tous les 200 ans environ, Jupiter et Saturne se trouvent alignés par rapport au Soleil, curieuse coïncidence avec la durée du cycle de De Vries, peut-être bien pas si fortuite que ça. Cette direction d’investigation ne fait pas partie de cet article paru dans Nature – et aimablement communiqué par le principal auteur de l’étude – mais elle peut constituer matière à de plus amples investigations de la part des géophysiciens et des spécialistes de la dynamique interne du Soleil.

    Tout cela est naturellement très complexe mais à n’en pas douter, un jour ou l’autre, peut-être très prochainement, on comprendra qu’en définitive c’est le Soleil avec ses planètes massives qui commande le climat de la Terre et non la ridicule activité humaine en regard de l’immense énergie qui nous parvient depuis cette étoile paradoxalement vivante et parfois capricieuse…

    Sources : Nature, article aimablement communiqué par le Docteur Raimund Muscheler que je tiens à remercier ici.

     

  • Dans la série: no futur.....

    L'homme est aussi dévastateur que l'astéroïde qui a mis fin aux dinosaures»

    INTERVIEW - La Terre serait en passe de subir une sixième extinction massive de la biodiversité, selon une étude publiée par Science. L'historien Jean-Baptiste Fressoz, co-auteur de L'Événement anthropocène, explique comment l'homme, à l'origine du désastre, marque son environnement pour des millénaires.

    Selon des chercheurs américains, notre planète serait au commencement d'une nouvelle phase d'extinction massive, la première depuis 65 millions d'années et la disparition des dinosaures. L'étude de ces membres de l'université de Stanford, publiée dans la revue Science et relayée par le magazine Time, délivre quelques données alarmantes. La totalité des espèces vivant sur Terre aurait ainsi connu un recul de 25% ces 500 dernières années, avec des disparités selon les cas: 45% des espèces d'invertébrés sont considérées comme menacées, et quasiment 100% des orthoptères (crickets, sauterelles…)

    Si la dernière extinction massive recensée sur Terre, celle du Crétacé-Tertiaire, a été causée par un astéroïde, celle qui se profile serait entièrement de notre fait. En chassant, pêchant, braconnant, polluant, ou encore en détruisant les forêts tropicales et autres habitats naturels, l'être humain se retrouve directement à l'origine du dérèglement du climat et de la disparition progressive de centaines d'espèces.

    Le concept d'anthropocène désigne un nouvel âge géologique dont le marqueur est l'influence de l'Homme sur le système terrestre. L'historien Jean-Baptiste Fressoz, chercheur au CNRS et enseignant à l'EHESS est le co-auteur du livre L'Evénement anthropocène, publié en octobre dernier aux éditions du Seuil. iI éclaire, pour Le Figaro, cette notion théorisée au début des années 2000 par le prix Nobel de chimie Paul Crutzen,

    LE FIGARO - À quand peut-on dater le début de l'anthropocène et jusqu'à quand peut-il se prolonger?

    Jean-Baptiste FRESSOZ - Un débat divise les scientifiques sur le début de l'anthropocène. On dégage toutefois trois grandes hypothèses: un commencement daté vers -5000 avec l'apparition de la riziculture en Asie du sud-est (augmentation des teneurs en méthane), un commencement daté après la Seconde Guerre Mondiale et ce qu'on a appelé «la grande accélération» (forte hausse du rejet de CO2 et de phosphates), et un commencement daté du début de la Révolution industrielle de la fin du XVIIIe siècle, hypothèse semblant la plus logique. Cette ère va sans doute encore durer des dizaines de milliers d'années, et peut survivre à l'homme, car le CO2 rejeté persiste dans l'air durant des millénaires. L'action de l'Homme a des effets à très long terme: la temporalité courte de l'histoire rencontre la temporalité longue de la géologie.

    Que pensez-vous des hypothèses des chercheurs de l'université de Stanford, qui prédisent une sixième extinction massive?

    La biodiversité est bien plus difficile à quantifier que le rejet de CO2, par exemple. La biodiversité océanique est par exemple encore assez méconnue. Si mon travail d'historien n'est pas de juger les résultats de cette étude, elle donne une bonne échelle de l'ampleur de ce que l'homme a réalisé. Cela veut dire que l'impact de l'être humain est aussi dévastateur que celui de l'astéroïde qui a mis fin aux dinosaures il y a 65 millions d'années. Nous faisons donc face à une temporalité immense, et à un événement tout à fait majeur.

    Jusqu'à quel point l'homme est-il capable d'influer sur le fonctionnement du système Terre?

    Nous n'allons pas vers une décroissance forcée, car les énergies fossiles ne sont pas encore entièrement exploitées. Étant donné qu'il ne semble pas y avoir de volonté concrète de mettre fin à cette situation, nous nous dirigeons donc vers des années et des années de croissance sur le même modèle, et vers un dérèglement climatique peut-être plus important encore. L'ouvrage que j'ai co-écrit avec Christophe Bonneuil (ndlr: L'Evénement anthropocène, Seuil, 2013) adopte une perspective historique pour comprendre l'influence de l'homme sur la géologie, par le biais de quelques grands marqueurs temporels, qui constituent des causes profondes de la situation actuelle. Par exemple, la stimulation de la consommation de masse ou encore l'apparition de l'automobile. Il est aujourd'hui clair que l'homme et son action sont au centre de notre époque géologique.

     

  • De la conscience

     

    La conscience demeure l’un des éléments les plus mystérieux de la psyché humaine.

    Par Emmanuel Brunet Bommert.

    La vie est un concept étrange, comment une notion si proche et si familière peut-elle, en même temps, s’avérer si incompréhensible ? La simplicité n’est pas amie de l’intellect, les choses simples sont toujours celles qui demeureront les plus difficiles à notre entendement. Aussi, pour ne pas s’embourber dans l’infinie digression auquel conduit inévitablement notre ignorance des choses les plus évidentes, nous déduisons ce qui apparait le plus manifeste, faute de le savoir.

    La conscience est, dans la catégorie des concepts, le plus méconnu. En plus d’être le plus dangereux qui puisse subsister en philosophie. Si l’on devait reprocher une seule et unique chose de l’objectivisme d’Ayn Rand, ce serait d’avoir voulu donner une définition à la conscience, de l’avoir réduite à une simplification. La conscience n’est pas seulement l’identification : l’on peut en être pourvue sans pouvoir nommer la moindre chose, même s’il est vrai qu’elle y conduira inévitablement.

    Elle s’acquiert, tardivement : l’enfant n’a pas de conscience et ne sait pas ce qu’elle signifie, le malheur voulant que l’on ne puisse l’expliquer à qui en est dépourvu. Le jeune enfant est un être pensant qui, s’il demeurait ainsi sa vie durant, pourrait être perçu comme un animal doué d’un très haut niveau d’intelligence. Mais il n’est pas pour autant conscient.Elle se fait telle une ouverture, que l’on se souvient tous avoir franchie, et qui apparait dans l’imaginaire collectif comme un passage métaphorique des " ténèbres " à la " clarté " ; littéralement du jour au lendemain, l’ensemble de la réalité qui nous entoure prend un sens nouveau. Ce seuil, nous le nommons " fin de l’innocence ", par tradition hébraïque.

    Le passage de la vie embryonnaire à l’âge adulte est semblable à une reproduction raccourcie et simplifiée de l’évolution du monde vivant, dans son ensemble. La conscience est, dans l’ordre des choses, la dernière que nous acquérons. Aussi l’on peut observer l’enfant et, en évaluant ce qui lui manque, faire l’ébauche de ce que nous avons de plus que lui. De tous les éléments qui nous différencient de nos jeunes, l’un d’eux est si spécifique et si éminemment simple qu’il ne saurait être important à nos yeux : c’est là notre erreur, la vie est faite de choses élémentaires. La conscience, c’est la capacité que nous avons à prendre du recul sur les choses, devenant par-là capables de transcender notre nature propre.

    Même une bactérie peut assimiler le concept de responsabilité : si elle fait une erreur, elle le paye immédiatement. Mais seul l’être conscient a suffisamment de recul pour étendre sa compréhension de la responsabilité à ses semblables, puis à l’ensemble de l’univers. Vue comme une malédiction, elle peut être un don : cette capacité à prendre du recul est indispensable à la déduction, à l’induction et à l’extrapolation. Sans elle, la moralité est impossible : seule peut exister la loi immuable de notre nature. La conscience est la clé de notre " libre arbitre " au sens qu’elle compose notre capacité à dépasser les principes qui forment nos personnes.

    Elle conduit à une grandeur immense, à des sommets inexplorés, à un univers de possibles. Pourtant, c’est une clé maudite, qui vient avec son prix : puisque nous pouvons transcender notre nature, nous sommes donc aussi capables de l’enfreindre. Seul l’être conscient peut se suicider et demeure ainsi la seule catégorie d’être qui soit capable de choisir de mourir. Il peut dépasser son instinct de survie, marchant désormais sans filet sur le fil du rasoir.

    L’enfant ne sait pas ce qu’est la mort[1], à de rares exceptions, mais comprend le danger et se préservera de la souffrance autant qu’il lui sera possible de le faire. Il peut éprouver de l’attachement, mais sans le recul nécessaire à la compréhension, l’impact de celui-là n’ira pas jusqu’à l’abnégation. Au même titre que l’on peut faire une copie d’un singe qui ressemble effectivement à un primate, l’on peut expliquer le concept de " recul " à un enfant.Mais seulement le lui instruire, non pas l’éduquer.

     

    La conscience permet d’atteindre l’identification avec plus d’impact que ce que n’importe quelle autre créature pourrait obtenir. Un chat sait ce qu’est une souris, il sait comment elle fonctionne, il sait qu’elle est vivante.Mais seul l’être conscient peut interpréter ce qu’est une souris par rapport à lui-même. Il ne fait pas seulement qu’identifier, il hiérarchise et détermine des relations entre les principes de la réalité : il comprend la différence non plus comme quelque chose qui n’est " pas comme lui ", mais comme quelque chose qui " n’est pas comme lui, parce que… "

    Le chat, qui se regarde dans un miroir, est convaincu que son reflet est un autre animal parce qu’il n’a pas assez de recul pour comprendre ce qu’il est. Un être capable d’une intelligence extrême en serait capable, non pas par recul, mais parce qu’il pourrait assimiler ses mouvements comme trop analogues pour qu’il s’agisse d’autre chose que sa propre personne.

    Un enfant pense de cette manière, pourtant, seul l’être conscient serait capable, en regardant ce même miroir, de découvrir un objet dissimulé dans son environnement direct : il sait qu’il s’agit d’un reflet, parce qu’il a assez de recul pour comprendre qu’il émane d’un objet. La conscience n’est pas l’identification, mais cette capacité que l’on de prendre du recul par notre esprit, de pouvoir ainsi analyser le monde au-delà de la perception directe que nous en avons.

    L’animal tue, il peut dévorer son congénère vivant : il n’est ni supérieur ni inférieur à nous autres en cela. La conscience ne nous rend ni meilleurs ni pires que le serpent qui dévore un poussin vivant. L’enfant humain peut tuer un chien et jouer dans son sang, en toute innocence : il n’est pas plus vil que le chaton qui arrache les pattes d’une souris. La nature, toute entière vit par-delà le bien et le mal. Mais la conscience modifie notre perception de la réalité, par des aspects grandioses : l’attachement devient amour et le respect devient empathie[2].

    L’on sait ce que la souffrance signifie pour nous, aussi l’on peut transférer cette compréhension à un autre être : nous comprenons qu’autrui peut faire souffrir, alors que l’animal pensant ignore si une autre créature que lui éprouve de la douleur. La peur devient terreur, car l’on sait désormais que le tourment peut être aussi illimité que nous pourrons le concevoir. Car si nous pouvons imaginer les tortures les plus abjectes à nos semblables, c’est qu’ils peuvent nous faire subir de telles exactions.

    Conscients de ce que nous sommes capables de faire, nous craignons autrui. Cela puisque nous saisissons qu’il est notre semblable. L’espèce consciente peut devenir sociale, naturellement, mais le demeurera plus difficilement que le loup ou le rat : nous craignons nos semblables avec plus de force. De même, nous serions prêts à tout pour la survie de ceux auxquels nous sommes attachés : seule la conscience autorise l’amour et peut conduire à une véritable abnégation. Aussi, il est seul à pouvoir donner une définition au mot " dévouement ".

    1.Il existe des exceptions, la vie tolère une grande " marge d’erreur " dans ses lois. Suffisamment étendues pour qu’un enfant de quelques années atteigne la conscience, là où tous les autres n’y parviendront qu’après une décennie. Ces anomalies, si elles sont assez régulières dans nos immenses populations, ne constituent pas pour autant la règle en la matière.

    2.Par cela, nous pouvons affirmer que l’Homme est le résultat d’un conflit intérieur entre sa nature d’être pensant et sa nature d’être conscient ; d’où vont alors émerger l’ensemble de nos dilemmes moraux les plus douloureux.

  • Le Monde sous ketamine

    Publié  dans Sciences et technologies, Sujets de société

    Le Monde craint une neuro-révolution et une neuro-dictature. Quand les communiqués de Google sont lus sous kétamine, le journalisme français avance.

    Par Baptiste Créteur.

    L’intelligence artificielle se développe : vite, régulons. Car si les machines devenaient plus intelligentes que nous, elles feraient surement les choses différemment, et le changement, c’est mal.

    Que les connexions entre machine et humain soient de plus en plus nombreuses dans le futur, et que l’interface entre eux soit de plus en plus permanente, n’est pas en soi une bonne chose. Tout dépend des limites que l’on se fixe, des objectifs que l’on poursuit, des principes qui régissent notre action. Et quand chacun peut choisir ses principes, rien ne va plus.

    Laurent Alexandre dans un article du Monde du 5 mai :

    “En quelques décennies, Google aura transformé l’humanité : d’un moteur de recherche, il sera devenu une neuroprothèse. « Dans environ quinze ans, Google fournira des réponses à vos questions avant même que vous ne les posiez. Google vous connaîtra mieux que votre compagne ou compagnon, mieux que vous-même probablement », a fièrement déclaré Ray Kurzweil, lequel est également persuadé que l’on pourra transférer notre mémoire et notre conscience dans des microprocesseurs dès 2045, ce qui permettrait à notre esprit de survivre à notre mort biologique. L’informatique et la neurologie ne feront qu’un !

    Ces neurotechnologies sont littéralement révolutionnaires en ce qu’elles bousculent l’ordre social. Pouvons-nous y échapper ? Une contre-neuro-révolution sera-t-elle possible ? Probablement pas. À terme, si Google réussit son pari, un être humain qui refuserait d’être hybridé avec des circuits électroniques ne serait guère compétitif sur le marché du travail. Imagine-t-on une société à deux vitesses, avec des humains non augmentés qui deviendront inévitablement des parias ? En outre, serait-il éthique de ne pas augmenter les capacités cognitives des gens peu doués ?

    Quelle est la première préoccupation d’un Français lorsque des avancées scientifiques majeures sont sur le point de transformer la société ? La compétitivité sur le marché du travail, les inégalités entre robots et cyborgs, la redistribution de l’intelligence artificielle. Aux enjeux majeurs du transhumanisme, qui verrait pour la première fois à notre connaissance une espèce s’intégrer à des outils qu’elle a créés, aux découvertes scientifiques mais aussi philosophiques qu’une intelligence supérieure par nature inconcevable pourrait nous apporter, se substituent les questions qu’un député lambda poserait à un ministre lambda un jour normal et pluvieux en France.

    “Le fondateur de Deep Mind, récemment racheté par Google, qui est un leader de l’intelligence artificielle, affirme lui aussi que cette dernière peut menacer l’humanité dès le XXIe siècle. À l’ère des prothèses cérébrales, le risque de neuro-manipulation, de neuro-hacking et donc de neuro-dictature est immense. Nous devons encadrer le pouvoir des neuro-révolutionnaires : la maîtrise de notre cerveau va devenir le premier des droits de l’homme.

    Le neuro-hacking a de beaux jours devant lui en tant que conte pour adolescents. Après le contrôle des foules par la propagande et l’exposition permanente à des agents chimiques, les chemtrails et le projet MK de la CIA. D’ici à ce que l’on comprenne que les menaces de contrôle des foules et la surveillance viennent toujours de celui à qui on souhaite systématiquement confier notre défense, l’État, la route est longue. Naomi Klein en fait même l’apanage du libéralisme moderne. Espérons qu’une intelligence supérieure, bien qu’artificielle, nous ouvre un jour les yeux.