Une enquête révèle les graves dysfonctionnements du CHU de Toulouse
Le site d'investigation Médiacités a eu accès à plus de 26.000 fiches d'incident enregistrées par le personnel du CHU de Toulouse de septembre 2013 à mars 2017, révélant de graves dysfonctionnements. Bâtiments inadaptés, incidents techniques, pannes de matériel... les soignants se plaignent de "mettre en danger la vie des patients".
Pour l'hôpital toulousain, c'est une fuite accablante. Bâtiments inadaptés, incidents techniques, pannes de matériel... Les incidents relatés par le site Médiacités à partir du contenu de 26.173 fiches d'incident internes rédigées et enregistrées par le personnel du CHU entre septembre 2013 et mars 2017 dressent le portrait d'un établissement à la dérive, allant jusqu'à mettre en danger la vie de ses patients. Des documents constitués de témoignages de soignants dénonçant certains dysfonctionnements au quotidien. De l'incident logistique bénin aux anomalies plus graves et inquiétantes.
Plus d'une dizaine de ces écrits pointent des dysfonctionnements techniques graves. Par exemple, en juillet 2016, au service de chirurgie faciale de l'établissement: la "pièce à main du moteur" aurait "craché un liquide noir dans la bouche du patient", lors d'une intervention chirurgicale. Le patient a été brûlé aux lèvres et à la joue gauche. L'hôpital se défend en soulignant qu'un "audit" a été réalisé suite à cet incident. Cette même année, des défaillances ont également été observées autour des défibrillateurs. Un cardiologue signale dans une fiche qu'en pleine urgence vitale, un appareil n'a pas reconnu le "signal au moment de choquer le patient". Dans sa note, il précise que le personnel est "fatigué de ce manque de moyens qui met en danger la vie des patients".
L'état des bâtiments, inadaptés ou vétustes, revient aussi régulièrement dans les doléances des soignants. En janvier 2017, une fiche mentionne un "écart trop important" entre le palier et l'ascenseur provoquant des chutes de patients transportés en brancard. Au service de traumatologie, la porte d'entrée d'un service d'accueil et de soins d'urgence est désignée le 2 mars 2016 comme "défaillante". Conséquence : en hiver, la température ne dépasserait pas 15 degrés. "Les patients sont allongés dans ce hall, sans même une couverture, confie un agent de service au site d'investigation. Un rideau cache-misère a été installé. Avec la force du vent qui s’engouffre dans le hall, il se soulève, allant même jusqu’à recouvrir le premier patient installé. Nous travaillons dans des conditions inacceptables, les patients sont reçus dans des conditions inacceptables pour un hôpital qui se prévaut être le deuxième de France."
Des pannes d'électricité sont aussi présentées comme "quotidiennes". Le 13 juin 2016, un chirurgien fait état d'un "arrêt des appareils alors que des procédures étaient en cours". Il a ensuite fallu "7 à 8 minutes pour rallumer les machines", faisant courir un "risque vital réel pour les patients", écrit-il. L'hôpital, de son côté, assure qu'un "programme d’investissement technique important a été engagé par le CHU pour améliorer les équipements et sécuriser les installations" depuis ces faits.
Taux d'activité en hausse, effectifs en baisse
Le manque de personnel est aussi dénoncé. De très nombreuses notes relèvent des "surcharges de travail" pour un trop petit nombre d'infirmières. "Équipe en sous-effectif ce soir. Nombre de patients dépendants important, mise en danger des patients importante. Ils doivent attendre pendant de longues minutes", alertent des soignants le 12 mars 2016. "Une équipe épuisée physiquement (même pas 5 minutes de pause entre 13h30 et 23h) et moralement (sentiment de travail mal fait et de mettre en danger la vie des patients)", témoigne une autre infirmière du service gynécologie.
Les retards de "brancardage" ne sont également pas rares. L'un des formulaires évoque notamment le cas d'une patiente nécessitant un scanner en urgence, qui a dû patienter neuf heures avant de pouvoir être prise en charge par un brancardier, faute de personnel disponible.
Une situation qu'explique la CGT par un taux d'activité du CHU est pleine progression (+4,5% en 2016, +2% en 2017) alors que les effectifs sont en constante diminution. En deux ans, 150 postes auraient été supprimés.
Des conditions difficiles qui ne semblent pas être propres à l'hôpital toulousain. Depuis le mois de janvier, les soignants font entendre leur colère sur les réseaux sociaux par le hashtag #BalanceTonHosto, répertoriant les situations au mieux cocasses, au pire dramatiques, dues au manque de moyens. Dernièrement, certains syndicats ont également voulu attirer l'attention sur la situation des services d'urgences "débordés" de patients, obligeant les soignants à faire dormir certains patients sur des brancards, en plein couloir, faute de lits disponibles.