Vers le retour de l’extrême gauche fasciste?
Yves Roucaute
Sus au fascisme, à l "extrême droite, au nazisme! Gauche et extrême gauche ne craignent pas l’usage de ces mots pour diaboliser leurs adversaires. Et la plupart des médias enfourchent le cheval, suivis par des dirigeants de droite qui ne craignent pas de patauger dans les sillons. Penser, en France, est devenu un luxe. Relever le sens caché, un boulot dangereux.
Je m’y risque pourtant. Un truc du type recherche de la vérité, à déconseiller en tout cas. Peut-être le souvenir de Charles de Gaulle ou de Ronald Reagan, traités de " fasciste " naguère. Par les mêmes. Par ceux qui aujourd’hui, tel un animateur du Petit ]ournal de Canal Plus, pensent que la Shoah est un détail de l’histoire, jusqu’à présenter Donald Trump décoré d’une croix gammée tenant son prétendu livre de chevet, MeinKampf, tandis que l’Humanité colle la photo de Pétain à Nicolas Sarkozy, le fameux "libéral-fasciste". De Norbert Hofer à Viktor Orban, "hou, hou, méfions-nous, les fascistes sont partout", nous dit-on.
Bien joué. Assimiler fascisme et extrême droite? Dans "extrême droite", il y a droite", le truc est là. Le quidam ordinaire doit le sentir: la droite est potentiellement "extrême", donc "fasciste ". Malin.
Rappeler que l’opposition au fascisme, en France, a d’abord été celle de la droite, en particulier de Charles de Gaulle, et non de la gauche, qui fut collabo ou pacifiste, au moins jusqu’à l’arrivée des troupes allemandes à Paris? Que la grande figure de la lutte antifasciste dans le monde ne fut pas le communiste Staline, qui avait signé un pacte de non-agression avec Hitler, mais un libéral et conservateur, Winston Churchill? Que la troisième grande figure de l’antifasciste fut Franklin Roosevelt, anticommuniste et antisocialiste notoire? Bon, je sens que déjà cela ne plaît pas. Pour la suite, il me faudra un abri.
L’extrême droite, camarades? Royaliste, catholique, antipopuliste. Rien à voir avec le fascisme.
Le fascisme? Né à gauche, à l’extrême gauche. Inventeur? Le socialiste Mussolini, Benito … en référence à Benito Juarez, révolutionnaire mexicain. En mars 1919, à Milan, il crée les Faisceaux italiens de combat, origine du mot "fasciste". Il se fait connaître en mai 1901 en interdisant aux enseignants d’entrer dans une école en grève. En Suisse, en 1902, il rencontre son égérie: Angelica Balabanova, amie de Lénine, décrite dans la Pravda comme celle qui conduit la politique révolutionnaire en Italie.
Il publie, en 1903, un ouvrage anticlérical: Christ et Citoyen. Et il devient le socialiste le plus populaire, après deux condamnations pour avoir agressé des "exploiteurs". Nationaliste, il développe la thèse applaudie par Lénine, et reprise par Mao plus tard, de la "nation prolétaire" italienne, opposée aux "nations ploutocratiques" qui ont des colonies.
En 1912, il l’emporte dans le Parti socialiste contre les "droitiers". Et sa popularité croît quand, après des sabotages économiques, il est emprisonné; le futur secrétaire général du Parti socialiste, Pietro Nenni, l’appelle alors Duce.
Nommé directeur d’Avanti!, le journal central du parti, il organise la grève générale ouvrière de 1914. En octobre, il se prononce pour la guerre, comme les autres socialistes européens, et crée Il Po polo d’Italia, avec cette référence à Blanqui: "Qui a du fer a du pain“. Exclu, celui qui est alors le socialiste le plus populaire du pays réplique: "En m’excluant, vous ne m’interdirez pas la foi socialiste ni le combat pour la révolution“.
Les grandes grèves de 1921? C’est aussi lui, jusqu’au référendum du 23 septembre, organisé par le syndicat de la métallurgie (FIOM), qui vote leur arrêt et le refus des "conseils d’usine", ces soviets anarchistes et communistes, soutenus par Moscou. Applaudi par le gouvernement et les socialistes, Mussolini les affronte: ils préfèrent la Russie à la classe ouvrière italienne, dit-il.
En août 1921, il signe un "pacte de paix" avec les socialistes, peu gênés par les violences contre chefs d’entreprise, police, militaires et prêtres. En décembre, il y met fin, assuré de l’appui des dirigeants syndicaux révolutionnaires et de 310 000 adhérents. En 1922, ce sont les marches, en particulier sur Rome. Nommé président du Conseil, il gouverne, au début, avec des ministres socialistes, joue au fils du peuple, pain et jeux, surtaxe des riches, impôt sur le capital, interdiction de la spéculation, grands travaux, emplois créés par l’État, semaine de 40 heures, augmentation des salaires, quadrillage du pays sur le modèle léniniste.
Partout, en Europe, les groupes fascistes sont créés par des socialistes.
Au Royaume-Uni? Par Oswald Mosley, député travailliste, qui fonde, en 1932, l’Union des fascistes britanniques. En France? Par le député socialiste Marcel Déat, ministre du Front populaire en 1936, fondateur du Rassemblement national populaire.
Et Hitler?
Il apprend nationalisme et révolution dans les cafés de Vienne. Et un antisémitisme nouveau qui n’est plus celui, traditionnel, lié à la terre, qui excluait les juifs, mais révolutionnaire, qui exige l’élimination des bourgeois, " donc " des juifs. Héritage de la gauche française du XIXe siècle. C’est le journal Candide, celui d’Auguste Blanqui, qui inventa la supériorité de la race aryenne. C’est Édouard Dumont, collaborateur de l’officielle Revue socialiste, repère d’antisémites révolutionnaires, qui, dès 1886, écrit la France juive. C’est Georges Vacher de La pouge, auteur préféré de Goebbels, candidat socialiste en 1888, fondateur de la section socialiste de Montpellier, qui publie l’Aryen, son rôle social (1899), qui choisira l’extrême gauche, en 1902.
Qui appelle Hitler pour être ministre de la Propagande dans le gouvernement bavarois de 1920? Les socialistes!
Membre du Parti ouvrier allemand, qui se réclame des bolcheviks, Hitler va créer le Parti national-socialiste des travailleurs allemands. Socialiste? Mais oui. Dans Mein Kampf, il indique qu’il a choisi la couleur rouge de la révolution socialiste et, à la place de la faucille et du marteau, le svastika, symbole de la refondation de l’homme. Goebbels pourra écrire dans Die zweite Revolution (1926) : " Les seuls vrais socialistes de l’Allemagne, de toute l’Europe, c’est nous! " En 1933, prise du pouvoir et descentes dans les entreprises placées sous la surveillance du parti, perquisitions chez les entrepreneurs, plan de quatre ans de Göring sur le modèle soviétique, SS aux conseils d’administration, héritages sous contrôle, expropriations …
Et en France? Le fondateur du parti nazi, le Parti populaire français, est le député communiste jacques Doriot.
Hé ho la gauche! Êtes-vous certain de pouvoir appeler "fasciste" un Donald Trump, héritier de Jackson et de Jefferson, un Norbert Hofer, nationaliste libéral
Lui, il a voté à gauche. Par moi! (NDLR)