Il y a d’abord eu les politiciens, puis les médias, et avec ce qui se passe présentement aux États-Unis, il y aura sans doute les tribunaux… Mais les prochaines victimes de la perte de confiance d’une partie de la population pourraient bien être les scientifiques, bien que ce soit déjà le cas dans certains dossiers, comme celui des changements climatiques.
Jusqu’ici, peu de scientifiques ont été impliqués dans des scandales financiers. Le public en est conscient, ce qui explique qu’ils sont beaucoup mieux cotés que les politiciens et les journalistes. Mais selon Ugo Bardi[1], professeur de chimie physique à l’Université de Florence en Italie, le problème n’est pas lié aux individus ou à certaines disciplines en particulier, mais à la science en général. Dans son livre Big Gods (Princeton, 2013) le professeur de psychologie sociale de l’Université de Colombie britannique, Ara Norenzayan, soutient que les gens ont un détecteur de mensonge intégré, une sorte d’algorithme heuristique qui évalue la justesse d’un propos sur la base de la cohérence. Non seulement le message doit-il être cohérent, mais le comportement du messager doit aussi être conséquent.
Les fausses promesses et l’incohérence du message
Malheureusement, la science présente actuellement deux visages. D’un côté, il y a ceux qu’on perçoit comme des prophètes de malheur parce qu’ils explorent les limites imposées par la nature et qu’ils invitent à faire des sacrifices pour éviter les crises qui nous menacent. De l’autre côté, il y a ce que Bardi appelle les scientifiques " du Père Noël " qui promettent des lendemains ensoleillés. Le message de ces derniers n’est pas nouveau, il a commencé dans les années 1950. Il consiste à dire " donnez-nous de l’argent et nous inventerons un truc magique pour résoudre les problèmes ". Mais ce message sonne de plus en plus creux parce que le public est en mesure de constater que les promesses de ces scientifiques sont encore loin de leur matérialisation (pensons à la fusion nucléaire ou à l’économie hydrogène annoncée par Jeremy Rifkin en 2002), tandis que d’autres ont empiré les choses (ex : la fracturation hydraulique ou la résistance aux antibiotiques). Pourtant, certains scientifiques n’hésitent pas à faire encore ce genre de promesses, claironnées par les médias, en partie pour gonfler leurs budgets de recherche.