La revue Prescrire épingle 90 médicaments jugés "plus dangereux qu’utiles"
Ces médicaments, qui disposent d’une autorisation de mise sur le marché, entraînent plus d’effets indésirables que d’autres ayant une efficacité similaire ou supérieure.
Ils sont prescrits à des patients souffrant de cancers, de sclérose en plaques, de la maladie de Parkinson, à des personnes atteintes de troubles cardiaques, à des femmes ménopausées ou encore à des malades d’Alzheimer... Au total, 90 médicaments actuellement sur le marché présentent une balance bénéfices-risques défavorable, selon la revue médicale indépendante Prescrire . En clair, ils causent plus d’effets indésirables que d’autres substances ayant une efficacité similaire voire supérieure.
Parmi eux, 79 sont commercialisés en France et tous disposent d’une autorisation européenne de mise sur le marché. De la pneumologie à la cardiologie en passant par la neurologie et la psychiatrie, aucune spécialité médicale n’est épargnée. La revue Prescrire a élaboré cette liste à partir d’une analyse méthodique de la littérature scientifique réalisée entre 2010 et 2017.
Le Figaro fait le point sur les 5 spécialités médicales les plus concernées: la médecine de la douleur, la psychiatrie, la cancérologie, la cardiologie et, sur la première place du podium, la pneumologie-ORL.
La revue Prescrire rappelle qu’un certain nombre de médicaments prescrits pour des troubles bénins tels que le rhume et la toux présentent des "effets indésirables disproportionnés" par rapport aux bénéfices escomptés. Ainsi, les décongestionnants à base d’éphédrine, de naphazoline ou encore de pseudo-éphédrine exposent à des troubles cardiovasculaires graves. L’ambroxol (nom commercial: Muxol) et la bromhexine (Bisolvon), utilisés pour soulager les maux de gorge et la toux, exposent à des "réactions anaphylactiques et à des réactions cutanées graves".
La pholcodine, un opioïde utilisé pour lutter contre la toux sèche, pourrait être à l’origine d’accidents rares mais graves lors de certaines anesthésies. Quant au tixocortol (Thiovalone ou autre), un corticoïde utilisé sous la forme de pulvérisateur contre les maux de gorge, il "expose à des réactions allergiques". Prescrire recommande de s’en tenir au dextrométhrophane pour soulager la toux, et au paracétamol en cas de maux de gorge.
D’autres médicaments, utilisés dans la prise en charge de la mucoviscidose, la fibrose pulmonaire et la broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO) ont également été épinglés.
Cardiologie: 11 médicaments à écarter
La liste comprend 11 médicaments utilisés en cardiologie, dont 3 hypocholestérolémiants (le bézafibrate, le ciprofibrate et le fénofibrate). Non seulement ils ne permettent pas de prévenir la survenue d’accidents cardiovasculaires, mais ils "exposent à de nombreux effets indésirables, notamment cutanés, hématologiques et rénaux". D’autres médicaments, prescrits contre l’angine de poitrine, la fibrillation auriculaire ou l’insuffisance cardiaque, n’ont pas non plus de balance bénéfices-risques positives, selon la revue Prescrire.
Cancérologie: 8 anticancéreux dans la tourmente
"Divers anti-tumoraux ont une balance bénéfices-risques nettement défavorable, note Prescrire. Ils sont souvent autorisés dans des situations où les autres traitements semblent inefficaces". Pourtant, certains "exposent les patients à une toxicité importante sans bénéfice clinique le justifiant", poursuit la revue, qui cite 8 médicaments anticancéreux. Ceux-ci ne permettent pas d’allonger la durée de vie des patients mais exposent à de nombreux effets indésirables souvent graves.
Psychiatrie: 7 antidépresseurs à éviter
Bien qu’autorisés, ces médicaments exposent plus que d’autres antidépresseurs à des risques graves, mais ils ne sont pas plus efficaces. Parmi les risques, Prescrire évoque des hépatites, accès d’agressivité, des suicides, des troubles du rythme cardiaque ou encore des atteintes cutanées.
Prise en charge de la douleur et de l’inflammation
La revue liste ensuite 7 anti-inflammatoires non stéroïdiens qui, à efficacité équivalente ou inférieure, présentent plus de risques que d’autres. Certains exposent à un risque accru d’accidents cardiovasculaires (infarctus du myocarde, insuffisances cardiaques), d’autres à de l’eczéma et à des éruptions bulleuses sur la peau ou encore à des troubles digestifs. Sont cités: le diclofénac, notamment commercialisé sous le nom de Voltarène, et le kétoprofène en gel (Ketum ou autre).
"Quand le paracétamol n’est pas suffisant, l’ibuprofène et le naproxène, à la plus petite dose efficace et pour une durée aussi courte que possible, sont les options les moins à risque", rappelle Prescrire.
Alzheimer, perte de poids et arthrose: des médicaments inutiles et dangereux
Concernant les médicaments anti-alzheimer, Prescrire rappelle qu’"aucun n’a d’efficacité démontrée pour ralentir l’évolution vers la dépendance" et qu’"ils exposent à des effets indésirables graves, parfois mortels". Par exemple, le donépézil, la galantamine et la rivastigmine exposent à des troubles digestifs, neuropsychiques et cardiaques. Quant à la mémantine, elle peut engendrer des hallucinations, des maux de tête, des convulsions, des insuffisances cardiaques voire des vertiges. "Mieux vaut se concentrer sur l’aide à l’organisation du quotidien, le maintien d’activité, l’accompagnement et l’aide de l’entourage", préconisent les auteurs.
Deux médicaments indiqués dans la perte de poids sont également épinglés, dont l’un est commercialisé en France: l’orlistat (nom commercial: Xenical). Ceux-ci n’apportent pas la preuve d’un quelconque effet favorable à long terme. Par contre, ils font courir des risques bien connus: troubles digestifs fréquents, atteintes hépatiques, carences... "Aucun médicament ne permet de perdre du poids de façon durable et sans risque", rappelle Prescrire. "Mieux vaut s’en tenir à des modifications d’activité physique et diététiques avec, si nécessaire, un soutien psychologique".
Enfin, deux médicaments "autorisés pour leur action supposée sur le processus aboutissant à l’arthrose sont à écarter". Et pour cause, leur efficacité n’est pas démontrée. Par contre, ils exposent à des effets indésirables notables, comme des troubles digestions, des hépatites et des réactions allergiques.
"Comment justifier d’exposer des patients à des effets indésirables graves, quand l’efficacité du médicament n’est même pas démontrée au-delà de l’effet placebo ou sur des critères cliniques pertinents pour eux?", s’interroge Prescrire en conclusion.