http://www.atlantico.fr/decryptage/voeux-aux-forces-armees-pourquoi-militaires-ont-pas-besoin-qu-on-souhaite-bonne-annee-mais-qu-on-permette-assurer-dignement-2538329.html
Un abri de fortune pour SDF par période de froid extrême, Non, voici un des visages de la France en état d’urgence : un dortoir de la région parisienne où l’Armée de la République loge nos courageux soldats mobilisés dans le cadre de l’opération Sentinelle. Soit plus de 10 000 hommes en tout. Les membres des unités d’élite ne sont pas mieux lotis : sous-sols ou hangars insalubres, des murs qui s’effritent et suintent l’humidité, souris, rats et bestioles en tous genres, une prise électrique pour vingt, des sanitaires à l’avenant et naturellement pas de chauffage : l’appareil d’appoint que l’on voit sur l’image a été apporté par un des militaires.
On comprend que le moral ne soit pas au plus haut dans leurs rangs, les soldats, de surcroît mal équipés, enchaînant ainsi six semaines d’affilée. Des journées éreintantes à patrouiller avec un matériel de 23-25 kilos sur le dos. Des gilets pare-balles hors d’âge (les derniers modèles, plus performants et plus légers, étant réservés aux opérations extérieures), sans compter leurs antiques Famas, des fusils d’assaut conçus dans les années 70 et qui ne seront pas remplacés avant 2017. Une arme de poing, peut-être, seule vraiment efficace en milieu urbain pour neutraliser un terroriste, Dans sa grande misère, l’état major ne peut en doter que les chefs de groupe. Et n’a toujours pas trouvé le temps de réviser un protocole de légitime défense aussi daté qu’inadapté à la guerre actuelle.
Résultat: au sein de la "grande muette", les arrêts maladie pleuvent comme jamais depuis la mi-novembre, les trop rares visites des hauts gradés sur le terrain ne contribuant pas à encourager la troupe. Ces jeunes gens exemplaires, qui portent haut les valeurs de la République — et dont beaucoup, on ne le rappellera jamais assez, viennent de nos quartiers dits "sensibles" —, n’en sont pas moins parfaitement conscients de l’importance de leur mission. Leurs compatriotes pourront compter sur eux quoi qu’il arrive. On s’attendrait toutefois à ce que l’actuel gouvernement se montre lui aussi à la hauteur. Et consente enfin à les doter de moyens et de conditions de travail un peu plus dignes d’un pays comme la France. En ce début janvier, on promet en haut lieu que les toutes nouvelles recrues de l’après 13 novembre permettront bientôt d’organiser des rotations plus souples. À un détail prêt : on ne forme pas un soldat opérationnel en quelques semaines. Un effort, Messieurs, pour 2016,
Un soldat de Première classe dans l’Armée de terre, 24 ans: "Dans les bureaux, nos chefs ne se rendent absolument plus compte de ce qu’ils nous demandent à force de se bureaucratiser. Nos conditions de travail en Vigipirate sont parfois pires qu’au Sahel. On a l’impression d’être de vulgaires pions et, au niveau administratif, l’organisation est catastrophique. Du coup, beaucoup de soldats se mettent en arrêt maladie — cela a commencé quelques mois après Charlie et depuis le 13 novembre, c’est l’explosion. Mais c’est la seule façon que nous ayons de protester. Et de tenir le coup. Imaginez-vous que jusqu’à la fin novembre, nous dormions environ deux ou trois heures maximum par nuit dans des lieux insalubres. Je me demande comment nous faisons pour ne pas avoir davantage d’évanouissements. Une chose est sûre: avec aussi peu de repos, notre vigilance baisse. Une anecdote: l’autre jour, deux de mes camarades, qui gardaient un lieu de culte, se sont réchauffés dans leur véhicule pour récupérer un peu et boire un café chaud. Protestation d’une dame qui prend un cliché et téléphone. Nos officiers déboulent: les deux garçons ont été sanctionnés et leur véhicule retiré".
Marc, brigadier, 25 ans, enchaîne: "Pour stopper l’hémorragie d’arrêts maladie, nos supérieurs ont inventé une nouvelle parade: ils les sanctionnent désormais en menaçant de baisser les notations générales. Même quand le soldat a réellement le dos en miettes. La conséquence de cette situation, c’est aussi que ceux qui sont en permission après avoir enchaîné plusieurs Vigipirates (de six semaines chacun) sont "en alerte" jour et nuit pour remplacer, le cas échéant, les malades. Ce fut notamment le cas pendant les Fêtes. Et le mien: je devais aller voir ma famille aux Antilles, j’ai dû tout annuler au dernier moment et rester en métropole".
Frédéric, 22 ans, parachutiste: "Le moral a tellement baissé ces derniers temps que les soldats les plus performants postulent pour intégrer les Forces spéciales, qui recrutent beaucoup ces temps-ci car il s’agit de petites unités d’élites hyper compétentes et beaucoup mieux adaptées au type de missions que nous avons aujourd’hui à accomplir à l’extérieur. C’est mon cas: soit je parviens à entrer dans les FS, soit je m’en vais. Mais là, intervient un autre problème: il arrive de plus en plus souvent que dans les régiments, les chefs de corps, qui commencent à s’inquiéter et ne veulent pas voir partir leurs meilleurs éléments, bloquent les dossiers. Ce n’est évident pas la solution, mais je connais des dizaines d’exemples récents de ce type".
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. Les hauts responsables militaires, ainsi que les organismes chargés de veiller à la condition des militaires, ne cessent de répéter depuis des années que la situation est honteuse.